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PYTHAGORAS.

à débiter ses plus beaux préceptes sous le voile des énigmes. Ce voile était si épais, que les interprètes y ont trouvé une ample matière de conjectures (H), et autant de sens mystiques qu’il leur a plu. Quelques-uns prennent au pied de la lettre l’ordre qu’il donnait de ne manger point de fèves (I). Il n’y a guère de gens de ces siècles-là qui aient fait autant de voyages que lui [a]. Il passe dans l’esprit de quelques personnes pour un insigne magicien (K) : nous verrons sur quel fondement. Nous dirons aussi que le sieur Naudé l’en justifie (L). Il me resterait cent choses à observer ; mais je suis contraint d’être court, et j’évite tout ce qui se peut trouver dans M. Moréri. Cependant quoique l’on y trouve la métempsycose, je ne laisserai pas de m’y arrêter un peu (M). Je pense qu’à cause de cette opinion il désapprouvait les sacrifices de bêtes : et l’on remarque qu’il adora un autel où jamais aucune victime n’était immolée ; qu’il l’adora, dis-je, comme un lieu qui n’avait pas été profané ou pollué (N). Je n’ai point marqué la patrie de Pythagoras, parce que les opinions varient fort là-dessus : les uns veulent qu’il soit Tyrrhénien, d’autres le font Syrien, d’autres le font naître dans l’île de Samos, et d’autres dans l’île de Céphalonie [b], etc. [c]. On ne peut rien voir de plus beau dans des philosophes païens que ce qu’il disait de Dieu, et du but où nous devons tendre (O) ; et apparemment il eût poussé l’orthodoxie beaucoup plus loin, s’il eût eu assez de courage pour s’exposer au martyre. Les circonstances de sa mort sont rapportées diversement (P). Je nommerai quelques auteurs qui ont traité de ses dogmes (Q). Ce qui le concerne en tant que médecin se voit dans l’Histoire de la Médecine [d].

Je veux joindre à ce que j’ai dit de la fable de ses miroirs [e] un conte que je viens de lire dans un nouvelliste (R).

  1. Voyez Apulée, in Floridis.
  2. À Sumos, ville de cette île.
  3. Voyez Farnabe, in Ovidium, Métam., lib. XV, vers 60.
  4. Imprimée à Genève, l’an 1696, et composée par D. L. C., D. M., c’est-à-dire Daniel le Clerc, docteur médecin. Il est frère de M. le Clerc, professeur à Amsterdam.
  5. Dans la remarque (L).

(A) Il est le premier… qui ait pris le nom de philosophe. ] Avant lui ceux qui excellaient dans la connaissance de la nature, et qui se rendaient recommandables par une vie exemplaire étaient nommés sages, σοφοὶ. Ce titre lui paraissant trop superbe, il en prit un autre qui faisait voir qu’il ne s’attribuait pas la possession de la sagesse, mais seulement la désir de la posséder. Il s’appela donc philosophe, c’est-à-dire amateur de la sagesse. Ce nom est demeuré depuis ce temps-là aux professeurs de la science naturelle et de la morale. Cicéron va nous apprendre le pays natal de ce nouveau titre, l’occasion qui le fit naître et sa signification. A quibus ducti deinceps omnes, qui in rerum contemplatione studia ponebat, sapientes et habebantur, et nominabantur : idque eorum nomen usquè ad Pythagoræ manavit ætatem, quem, ut scribit auditor Platonis Ponticus Heraclides, vir doctus in primis, Phliuntem ferunt venisse, eumque cum Leonte, principe Phliasiorum, doctè, et copiosè disseruisse quædam : cujus ingenium, et eloquentiam cùm admiratus esset Leon, quæsivisse ex eo, quâ maximè arte