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MORIN.

avait déclaré qu’il se moquerait d’une prédiction d’emprisonnement. Ultimum quod insimulant Chavinii carcer est, quæ solùm fuit erroris interceptio : cùm enim in annuâ ipsius revolutione ex astris et morbum et carcerem colligeret, et ad carcerem prodicendum proclivior fuisset astrologus, ægritudinie tamen rem decidit. Namque et ipse Chavignius hujus fortè qui carceris esset, metus dissimulator, aut tale nihil sibi metuens (se quippè apud aulam gratiosissimum esse confidebat) carcerem sibi frustrà intentari dixerat ; vates itaque noster arti suæ non satis credulus hâc vice hallucinatus est [1]. Que voilà une mauvaise excuse ! On lui reprocha aussi de s’être trompé sur le mariage de la fille de ce seigneur. Je rapporte un peu au long les paroles de M. Bernier, parce qu’elles nous apprennent les fourberies de ces gens-là. Illis (quos habere amicos vultis et à quibus magnam mercedem speratis) scilicet omnia fausta, ac vitam præcipuè longævam pollicemini ; nam aliqua quidem hisce, illisque temporibus occursura pericula ; sed benignos esse siderum aspectus, qui malignis potentiores, illa superanda præmonstrent. Quamquàm ne sic quidem defugere odium, ac infamiam potestis : quùm loquuti ad gratiam, et juxtà inania vestra placita, spe inani illos lactatis, quâ se delusos dùm sentiunt, mirum quibus vos, artemque vestram diris devoveant. Id verò ut tibi imprimis contingat, familiare est, cui publicitùs exprobrata sunt innumera propè, et nota publicè exempla, ut circà filiam illustris comitis Chavinii ; ut circà filium illustris præsidis Gobelini ; ut circà præfectum ærarii bullonium ; ut circà illum, cujus causâ cæsus fastibus, litem intentâsti coram judice sanctæ Genovefæ [2].

(H) Il publia quantité de livres. ] Puisque j’ai parlé [3] du premier, il faut commencer ici par le second. Il fut imprimé l’an 1623, sous le titre de Astronomicarum Domorum Cabala detecta. En 1624 [4], n’ayant pu réfuter de vive voix, comme il s’y était préparé, les thèses qu’Antoine Villon [5] lui voulait faire soutenir, il les réfuta par écrit. Ce Villon, que l’on appelait ordinairement le soldat philosophe, avait affiché des thèses contre la doctrine d’Aristote, qui devaient être soutenues dans l’hôtel de la feue reine Marguerite. L’assemblée était déjà fort nombreuse, lorsque le premier président envoya faire défense à Villon, et à ses deux camarades de soutenir leurs propositions. Il y eut ensuite un arrêt du parlement contre eux, et contre leurs thèses. Voyez le Mercure français [6], vous y trouverez un Abrégé de l’écrit de notre Morin contre la doctrine de ces novateurs. On assure dans sa Vie [7], que cet ouvrage le fit passer pour un habile chimiste, et pour un subtil philosophe ; et à propos de cela on nous raconte une chose qui est digne d’être rapportée. Morin s’était appliqué aux travaux chimiques chez l’évêque de Boulogne, et puis il avait conféré de cette science avec de grands maîtres ; il s’était même entretenu touchant le grand œuvre avec deux célèbres personnages, dont l’un avait vu la pierre philosophale, et l’autre avait assisté aux expériences qu’un certain Sylvius avait faites de sa poudre de projection devant le roi. Ce Sylvius fut condamné pour ses crimes ; mais son art ne fut nullement réprouvé : ses écrits furent gardés par le cardinal de Richelieu, qui s’en servit pour faire chercher la pierre philosophale dans sa maison de Ruel. Alter Sylvio quodam ipsimet regt sui pulveris experimentum præbente interfuerat, quod quidem enarrare prolixiùs non est hujus loci ; nôsse suffecerit ob scedera damnato Sylvio, artis tamen ejus mysterium minimè damnatum esse, cùm posteà Richeliæus cardinalis ex hujus disciplinâ damnati, scriptis ab eodem tradita, in fornaculis Ruellianis jusserit multa tentari [8]. L’an 1633, Morin publia Trigono-

  1. Vita Morini, pag. 16, num. 79.
  2. Berner. Anatomia ridic. muris, pag. 138. Morin., Defens. Dissertat., pag. 121, répondant à Bernier, nie ce que concerne la fille de M. de Chavigny.
  3. Dans la rem. (A).
  4. Voyez sa Vie, pag. 9, num. 38.
  5. Il était Provençal. Vinc. Panurgus, de tribus Impostoribus, pag. 57.
  6. Tome X, pag. 504 et suiv. à l’an. 1624.
  7. Pag. 9, num. 38.
  8. Vita Morini, pag. 9, num. 39.