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MORIN.

dinal Mazarin une pension de deux milles livres, qui lui a été toujours payée fort exactement. Il était consulté sur l’avenir par plusieurs personnes, et l’on prétend que ses horoscopes ont souvent prédit la vérité (F). Il ne fut pas heureux dans ses prédictions concernant un secrétaire d’état qui était fort dépendant de ses oracles astrologiques (G). Il publia quantité de livres (H) ; mais il n’eut pas la satisfaction de voir imprimé son ouvrage favori, qui lui avait coûté trente ans de travail, et qui n’a paru qu’après sa mort. Je parle de son Astrologia gallica [a]. Il eut entre autres adversaires l’illustre Gassendi (I). Il mourut à Paris, le 6 de novembre 1656, et fut enterré dans l’église de Saint-Étienne-du-Mont, sa paroisse [b]. Ce que Gui Patin a dit de lui vaut la peine d’être rapporté (K) : il en parle comme d’un fou ; et il est sûr que pour le moins il y avait des grains de folie dans cette tête. On embarrassa extrêmement ce personnage, sur ce qu’il disait que l’antechrist était né (L). Mais quelque absurde qu’il fût dans la plupart de ses principes ; il comprit fort bien une chose dont on ne saurait désabuser les péripatéticiens ; c’est que tout ce qu’ils enseignent sur les formes substantielles est de la dernière impertinence (M). Il ne faut pas oublier qu’il reçut de M. Descartes divers témoignages d’estime (N), et qu’il ne s’en faut guère qu’il n’ait égalé Cardan, par un récit ingénu de plusieurs choses qui lui étaient désavantageuses (O).

  1. Voyez la remarque (K).
  2. Tiré de sa Vie, imprimée en latin à la tête de son Astrologia Gallica. Je n’ai pu trouver celle qui fut imprimée en français à Paris, l’an 1660, in-12.

(A) Il fit un livre là-dessus.] Ce fut le premier ouvrage qu’il publia : il parut l’an 1619 sous ce titre : Mundi sublunaris Anatomia. Ceux qui ont composé sa Vie prétendent qu’il prouva par tant de bons argumens, que les entrailles de la terre sont divisées en trois régions, qu’il fit faire fortune à ce sentiment, sans l’appuyer de l’autorité d’aucun ancien philosophe [1]. Un sentiment fait fortune lorsqu’il trouve des sectateurs. Voilà ce que je veux dire. Au reste, cet ouvrage fut dédié à M. du Vair, garde des sceaux [2], qui avait été le patron de notre Morin à Aix en Provence, pendant qu’il y était premier président, et qui fut même son disciple dans l’étude des mathématiques, l’an 1608. Ayant connu combien Morin était propre aux sciences, il l’encouragea à reprendre ses études. C’est Morin qui le raconte. Anno quippè 1608, illustrissimus D. du Vair, senatus Aquensis protopræses fuit meus in mathematicis discipulus ; qui, observatâ mei ingenii ad scientias aptitudine, tam validè mihi persuasit studia mea per decennium intermissa repetere, ut anno 1609, aquis sextiis ingressus sim philosophiæ cursum, sub D. Marco Antonio, tunc temporis philosopho celeberrimo ; et anno 1611, cursum medicinæ sub professoribus regiis Fontano et Merindolo, viris etiam librorum editione famosis [3].

(B) Son prélat entretenait un astrologue écossais ; il commença de goûter l’astrologie judiciaire.] Cet astrologue se nommait Davisson : il renonça à l’astrologie, et s’attacha à la médecine, et se rendit fort célèbre

  1. Ut enim tres in regiones aër distinctus est, sic etiam triplex regio in terræ visceribus animadverti potest summa, media, infima, et id quidem validissimis rationum momentis adeò stabilivit, edito hujus argumenti ad annum 1619 libello, ut hæc sententia etsi nullâ philosophorum veterum authoritate fulciatur, suos tamen habent sectatores. Vita Jo. Bapt. Morini, pag. 3, num. 16.
  2. Vincentius Panurgus, in epistolâ de tribus Impostoribus, pag. 14.
  3. Morinus, in Defensione suæ Dissertationis de atomis et vacuo, pag. 5.