Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T10.djvu/518

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
508
MONTMAUR.

garde que M. Ménage n’a point adopté le conte qui se voit dans quelques pièces du recueil d’Hadrien Valois, est que Montmaur donna un si rude coup de bûche sur la tête au portier du collége de Boncour, qu’il le tua. Voyez la remarque suivante :

(H) Il faut.... prendre cela pour des jeux esprit..., et non pas pour un narré historique. ] Mais que pensera-t-on du fait dont je viens de faire mention ? Il ne semble pas que les satiriques les plus outrés soient capables de publier un mensonge tel que celui-ci, qu’un homme est actuellement en prison à cause d’un meurtre. Il est pourtant vrai qu’il y eut des adversaires de Montmaur qui affirmèrent qu’il fut emprisonné pour un crime de cette espèce. Se fondèrent-ils sur quelque réalité ? On aurait infiniment plus de peine à l’affirmer qu’à le nier ; et surtout quand on prend garde que la plupart de ces auteurs satiriques se turent à l’égard de cet homicide, qui était pourtant la matière la plus favorable qu’ils eussent pu souhaiter à l’entreprise qu’ils avaient formée de rendre Montmaur l’horreur et l’exécration du public. En tous cas voici cette accusation :

Quoi que ce soit, le parasite,
Est mieux traité qu’il ne mérite :
On ne lui peut faire d’ennui ;
Métamorphoser sa personne
En loup, en porc, en une tonne,
C’est encor trop d’honneur pour lui.
Qu’il le soit en une marmite,
En tournebroche ou léchefrite ;
En perroquet, en un corbeau ;
C’est une grâce très-visible,
Le bien façonner n’est possible
Qu’aux pieds délicats d’un bourreau.
Aussi ce messer Sicophante,
Pour montrer que c’est son attente,
Fit l’autre jour un joli tour,
Cassant d’une bûche flottée
La lourde caboche éventée
Du gros Janitor de Boncour.
Mais ce grand chercheur de lippée
N’eut plus tôt fait cette équipée,
Qu’il se vit absous du péché :
Car il reçut telle mornifle
Sur son gras museau qui renifle,
Que son œil en resta poché.
Et qui pis est, dame justice
Pour châtier son maléfice,
Grippant ce cuistre en triste arroi,
Les pieds nus, un torchon en tête,
Conduisit cette male bête
Dans la noire maison du roi.
Tous ses compagnons de cuisine,
Et ceux qui craignent la famine.
S’opposent à sa liberté,
Criant partout que sa présence
Sans doute affamera la France,
Et qu’elle a causé la cherté [1].

Vous allez voir en latin un semblable jeu [2] Horatii Gentilis Perusini in Mamurram, ob cæsum ab eo collegii Harcurtii [3] Janitorem

Cæde nocens, hominisque reus Mamurra perempti
Emissus vinclis est, Genovefa, tuis.
Et potuit reperire vades, quia plurima crimen
Elevat hoc ratio, nil graviusque meret.
Janitor occisus nimirùm haud penditur ussis,
Nec propter dabitur talio vile caput :
Cumque illi Mamurra petitum stipite grandi
Comminuit cerebrum, perdiderat proprium [* 1].

(I) Balzac s’enrôla.…… et voulut bien... descendre du haut de sa gravité.... et anima ses amis à prendre la plume, et à fournir leur quote part. ] Il ne fut pas le premier qui prêcha cette croisade : cet honneur est dû à l’historien de Mamurra [* 2], comme on l’a vu ci-dessus [4]. Cet

  1. * Sallengre raconte « une particularité fort plaisante touchant Montmaur : c’est que le remède dont usait ce parasite pour se guérir de certains accès de mélancolie auxquels il était sujet, était, dit-on, de se faire fustiger à tour de bras. »
  2. * Balzac est (dit Sallengre) le premier de tous ceux qui ont écrit contre Montmaur. L’Indignatio in Theonem ludimagistrum, ex-jesuitam, laudatorem ineptissimum eminentissimi cardinalis Valetæ est datée de MDCXIX : mais il faut corriger le chiffre et marquer MDCXXI, puisque Lysis, c’est-à-dire Louis de Nogaret de la Valette, qu’on y qualifie de cardinal, ne le fut que le 11 de février 1621. Sallengre parle aussi d’une lettre en vers latins, de Balzac à Boisrobert dans laquelle il le prie d’attaquer Montmaur. Ces deux pièces composées avant le Barbon, furent imprimées à sa suite en 1648 : et c’est ce qui à induit Bayle en erreur. Après Balzac, Ch. Féramus se mit sur les rangs et publia : Macrini parasitico-grammatici HMEPA, avec quatre autres petites pièces, Ménage ne fut que le troisième.
  1. Éloge historique du sieur Gomor, au Recueil d’Hadrien Valois.
  2. Il est au même Recueil d’Hadrien Valois, à la fin de l’Orbilius Musca, de Sarrasin.
  3. Selon le passage précédent il faut dire le collège de Roncour et non pas de Harcourt, comme aussi selon l’auteur d’une ode latine ad Balzacium, qui est dans le recueil d’Hadrien Valois, et qui porte que Montmaur, coupable d’avoir tué ce portier, n’évita la corde que par le moyen de l’argent qu’on donna aux juges.
  4. Dans la remarque (B) au passage du Valésiana. Joignez à cela ce passage de Furetière, pag. 101 de la Nouvelle Allégorique : Le plus malheureux de tous fut Montmaur, chef des Allusions, et qui avait aussi un régiment entretenu chez les Équivoques. Il fut livré à Ménage, juge sévère et critique, qui rechercha sa vie de bout à autre, et lui fit son procès sur chaque action. Après l’avoir convaincu de plusieurs crimes, il le condamna à être passé par les armes poéti-