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MÉNAGE.

vres répandus partout [a], et qui seront plus facilement transportés qu’un gros dictionnaire, dans les pays les plus éloignés [* 1]. Ses illustres amis lui ont érigé un monument très-glorieux dans le recueil intitulé Ménagiana (A), qui a déjà passé par les mains de tout le monde. Sans cela, je me serais fait un plaisir et un devoir tout particulier de mettre ici un long article de M. Ménage. J’aurais insisté sur les disputes qu’il a eues avec des personnes de beaucoup de mérite ; mais j’aurais passé légèrement sur son démêlé avec le comte de Bussi-Rabutin (B).

Quelques personnes que j’estime infiniment n’ont point approuvé que l’article de M. Ménage soit si court dans ce Dictionnaire, et ont combattu les raisons que j’ai données de ma brièveté. Il leur semble que les trois livres à quoi je renvoie ne seront pas sous la main de tous ceux qui chercheront ici l’histoire de ce savant homme. Je n’acquiesce point à leur sentiment ; et si j’allonge cet article dans cette seconde édition, ce n’est qu’afin de marquer une circonstance que les trois auteurs que j’ai indiqués [b] ne rapportent pas [* 2]. Elle concerne la bonne fortune de M. Ménage, quant à la mémoire ; ce fut un don qu’il posséda éminemment, et qu’il conserva jusqu’à la vieillesse ; et ce qui est bien plus rare, qu’il recouvra après quelque interruption (C). Il y a bien des gens qui souhaiteraient qu’il eût publié quelques-uns de ses Plaidovers (D).

(A) Le recueil intitulé Ménagiana. ] Ceux qui savent bien juger des choses, m’avoueront que ce recueil est très-propre à faire connaître l’étendue d’esprit et d’érudition qui a été le caractère de M. Ménage. J’ose même dire que les excellens ouvrages qu’il a publié ne le distingueront pas des autres savans avec le même avantage que celui-ci. Publier des livres où il y ait une grande science, faire des vers grecs et latins très-bien tournés, n’est pas un talent commun, je l’avoue, mais il n’est pas non plus extrêmement rare. Il est sans comparaison plus difficile de trouver des gens qui fournissent à la conversation une infinité de belles choses, et qui les sachent diversifier en cent manières. Combien y a-t-il d’auteurs que l’on admire dans leurs ouvrages, à cause de la vaste érudition que l’on y voit étalée, qui ne se soutiennent pas dans les discours de vive voix ? Les uns ont la mémoire toute percée comme un crible : c’est le tonneau des Danaïdes, tout y entre, et rien n’y demeure ; tout en sortirait à pure perte, s’ils n’avaient hors d’eux-mêmes des réservoirs tout préparés. Ce sont leurs recueils ; trésors qui ne manquent pas au besoin quand on

  1. * Peut-être est-il bon de remarquer que l’éloge de Ménage qui est dans le Journal des Savans, du 11 août 1692, et dont l’auteur est le président Cousin, n’est qu’une ironie. Après avoir été long-temps amis, Cousin et Ménage se brouillèrent pour une épigramme que ce dernier avait faite contre le président. Voyez ci-après la note ajoutée sur la remarque (K) de l’article Montmaur, dans ce volume.
  2. * Joly dit qu’on peut encore consulter sur Ménage, 1°. les Mélanges de Chapelain, et la Liste de quelques gens de lettres, par le même Chapelain ;, 2°. le Mémoire de Costar, sur plusieurs gens de lettres, dans le second tome des Mémoires du père des Molets ; 3°. le Sorbériana, dont Joly transcrit même le passage ; 4°. La Vie de Ménage, en tête du nouveau Ménagiana, et les Mémoires de Niceron, tom. I et X, parties I et II. J’ajouterai que Chaufepié a donné un article à Ménage pour suppléer celui de Bayle.
  1. Dans le Journal des Savans, du 11 d’août 1692. Dans le Mercure Galant de la même année. Dans la suite du Ménagiana, au commencement.
  2. Joignez à ces trois-là deux autres qui ont paru depuis la 1er. édition de mon ouvrage, le Moréri de l’édition de Paris, 1699, et les Éloges de M. Perrault.