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MAKOWSKI.

omnia esse somnia ? Aliquot somnia vera, inquit Ennius ; sed omnia non est necesse. Quæ est tandem ista distinctio ? quæ vera, quæ falsa habet ? et si vera à Deo mittuntur, falsa undè nascuntur ? nam si ea quoque divina, quid inconstantius Deo ? quid inscitius autem est, quàm mentes mortalium falsis, et mendacibus visis concitare ? sin vera visa divina sunt : falsa autem, et inania, humana : quæ est ista designandi licentia, ut hoc Deus, hoc Natura fecerit potiùs, quàm aut omnia Deus, quod negatis, aut omnia Natura ? Il en propose une quatrième fondée sur l’obscurité des songes : on l’a déja vu [1] ; mais on va le voir encore mieux. Il n’y a personne, dit-il, qui ait assez de capacité pour bien expliquer les songes ; et par conséquent, si les dieux nous parlaient par cette voie, ils seraient semblables aux Carthaginois, qui harangueraient en leur langue le sénat de Rome, et qui n’amèneraient aucun trucheman. Vide igitur, ne etiam si divinationem tibi esse concessero, quod nunquàm faciam, neminem tamen divinum reperire possimus. Qualis autem ista mens est deorum, si neque ea nobis significant in somnis, quæ ipsi per nos intelligamus : neque ea, quorum interpretes habere possimus ? similes enim sunt dii, si ea nobis objiciunt, quorum nec scientiam, neque explanatorem habeamus, tanquàm si Pœni, aut Hispani in senatu nostro loquerentur sinè interprete. Jam verò quò pertinent obscuritates, et enigmata somniorum ? intelligi enim à nobis dii velle debebant ea, quæ nostrâ causâ nos monerent [2].

  1. Ci-dessus, citation (14).
  2. Cicero, de Divin., lib. II, cap. LXIV.

MAKOWSKI (Jean), en latin Maccovius, gentilhomme polonais et professeur en théologie à Franeker, était né à Lobzénic à l’an 1588. Il commença un peu tard à étudier ; mais il répara ce retardement par une grande application, et par sa vivacité naturelle. Il fit ses études du latin et son cours de philosophie à Dantzick, avec des progrès si considérables, sous le fameux Keckerman, qu’il se distingua glorieusement de ses condisciples, et particulièrement à la dispute ; et qu’étant de retour chez son père, on le donna pour gouverneur à quelques jeunes gentilshommes [a]. Il voyagea avec eux, et cultiva en toute occasion, tantôt contre les jésuites, tantôt contre les sociniens, son talent de bien disputer (A). Il vit les plus florissantes académies d’Allemagne, celle de Prague, celle d’Heidelberg, celle de Marpourg, celle de Leipsic, celle de Wittemberg, celle d’Iène ; et puis il vint à Franeker, où il reçut le bonnet de docteur en théologie le 8 de mars 1614. Il donna tant de preuves d’esprit et d’érudition, que les curateurs de l’académie résolurent de le retenir, et pour cet effet ils le firent professeur extraordinaire en théologie, le 1er. d’avril 1615, et professeur ordinaire l’année suivante. Il exerça cette charge pendant près de trente ans, c’est-à-dire jusqu’à sa mort, qui arriva vers la fin du mois de juin 1644 [b]. Il avait eu trois femmes, dont on pourra voir les familles, si on le souhaite, dans l’oraison funèbre qui m’a fourni cet article. Coccéius son collègue, qui la prononça, nous apprend que Maccovius soutint avec un grand zèle, et même avec un peu trop de bile, la

  1. Ils s’appelaient Siéninski.
  2. Le Diarium Biographicum du sieur Witte, la met au 24 de juillet : ce qui ne peut être, puisque l’oraison funèbre fut prononcée le 2 juillet. Maccovius était décédé huit jours auparavant, die Lunæ ante octiduum, dit Coccéius dans l’Oraison funèbre de Maccovius