Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T10.djvu/157

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
147
MAJORAGIUS.

gius contre l’avarice du clergé [1]. C’est une très-belle pièce, et aussi finement tournée qu’il se puisse. Elle fut publiée à Utrecht, l’an 1666, in-4°., sur le manuscrit de M. Gudius. M. Morhof ayant vu que les exemplaires en étaient devenus rares, la fit réimprimer avec un discours qu’il avait fait selon ce modèle, l’an 1690. L’une et l’autre de ces deux pièces se trouvent dans la collection des harangues et des programmes de M. Morhof, publié à Hambourg l’an 1698. Vous trouverez un fort long extrait de cette harangue de Majoragius dans le Luthéranisme de M. de Seckendorf [2]. M. Moréri devait un peu mieux expliquer le sujet de la querelle de Majoragius avec Calcagninus, et avec Nizolius. La querelle avec Calcagninus fut soutenue pour les Offices de Cicéron, contre lesquels Calcagninus avait publié XXV Disquisitions. Majoragius les réfuta toutes par autant de Décisions : c’est le titre qu’il donna à ses réponses, publiées l’an 1543. Jacques Grifolus réfuta aussi les Disquisitions de Calcagninus. Ces trois pièces, je veux dire la Critique de Calcagninus, et les Réponses de Majoragius et de Grifolus, furent publiées ensemble in-8°., au XVIe. siècle, M. Grævius a inséré tout cela dans son excellente édition des Offices de Cicéron. Quant à Nizolius, il se brouilla avec Majoragius par jalousie de métier : il eut du dessous, parce que peu d’habiles gens s’accommodaient de son caprice de cicéronien rigide. Hunc Tullianæ elucubrationis genium cùm inter cæteros ejus ætatis præferret etiam Marius Nizolius Brixellensis, orta est inter utramque de primæ laudis acquisitione contentio, multa vicissim sibi publicè objectantem, ac sua vicissim scripta carpentem : in quo tamen Nizolius ideò acerbiora eruditorum judicia, quòd subacri et tetricâ superstitione, in tantâ latinorum procerum fœcunditate ne hilum quidem à Ciceronis formulis recedendum arbitraretur. Sua igitur non inceptè tutatus placita Majoragius perdocti ac industrii ingenii nomen emeruit [3]. N’oublions pas que Gaudentius Mérula doit être compté au nombre des adversaires de Majoragius, qui l’accuse d’être un grand voleur [4].

(F) M. Moréri a fait quelques petites fautes. ] 1°. Il ne fallait pas dire que Majoragio était natif d’un château de ce nom ; car Majoraggio n’est qu’un village. Si l’on me dit que rien n’empêche qu’il n’y ait un château dans ce village, je l’avouerai ; mais j’ajouterai que Majoragius ne naquit point dans un château. Je le prouve par ces paroles [5] : Amphortius, qui ex illis [6] natu maximus erat, Majoragium vicum extruxit, atque in eo turrim, cujus adhuc in domo meâ paternâ, post septingentos atque ampliùs annos, quædam extant vestigia atque fundamenta ; hic nostri generis auctor fuit. Majoragius aurait-il parlé ainsi de son logis paternel, si c’eût été le château du lieu ? Joignez à cela qu’il avoue que son père était fort pauvre [7], mais non pas qu’il fût domestique du seigneur de son village. 2°. Ce ne fut point lui, mais son père, qui, à cause du village de Majoraggio où il demeurait, prit le nom de Majoragius. Voyez la remarque (D), citation (24). 3°. Il n’est point vrai que son nom fût Marc-Antoine Maria. 4°. Ni qu’il ait enseigné à Ferrare.

(G) M de Thou a fait aussi quelque faute. ] 1°. Il ne devait pas dire que Majoragio fut appelé de ce nom, d’un bourg où son père demeurait [8] : j’ai déjà fait voir que son père s’appelait Majoragius. 2°. Son épitaphe, dans le Museum d’Imperialis, porte qu’il enseigna pendant quatorze ans : mais dans le théâtre de Ghilini, elle porte qu’il n’enseigna que neuf ans. M. de Thou, dans M. Teissier, fait cesser la profession de Majoragio au bout de huit ans, et suppose qu’il la

  1. Elle a pour titre : Phylochrysus, sive de laudibus auri.
  2. Seckendorf, Hist. Luther., lib. III, p. 342 et seq.
  3. Joh. Imperialis, in Museo Hist., pag. 126.
  4. In Apologiâ, pag. 28, apud Almelovenium, in Plagiariorum Syllabo, pag. 27.
  5. Majoragius, orat. X, pag. 220.
  6. Il entend parler de trois frères, que Didier, roi des Lombards, leur oncle maternel, éleva à la dignité de comte, et à qui il donna plusieurs terres.
  7. Licet in tenuissimâ re familiari versaretur. Majorag., orat. X, pag. 236.
  8. Je me sers de la version dont M. Teissier s’est servi, Addit. aux Éloges, tom. I, pag. 105, édition de 1696. Le latin porte : A Majoragio vico in quo ejus pater habitabat, ità vocatus. Thuanus, lib. XVI.