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DUAREN.

jurisprudence, trois ans après qu’Alciat se fut retiré[1] : Il se défit de cette charge l’an 1548, et s’en alla a Paris pour fréquenter le barreau, car il voulut joindre la théorie du droit avec la pratique. C’est ce qu’il témoigne dans une lettre écrite à François Baudouin qui lui avait succédé. Cooptatum te in juris doctorum collegium et unum ex omnibus delectum, cui nos velut emeriti lampadem cursu traderemus, valde, ita me Deus amet, lætor[2]. Cette lettre est datée du 13 de janvier 1549 ; mais il faut prendre garde que l’année commençait alors à Pâques, et ainsi, en comparant cette date avec celle de la lettre qu’il écrivit à Sébastien de l’Aubespine, on ne trouvera point de contradiction dans ses calculs. Il dit dans sa lettre à François Baudouin, qu’il fréquente le barreau du parlement de Paris depuis deux ans[3]. Il assure dans l’autre lettre, datée du 24 de novembre 1550, qu’il le fréquente depuis trois ans : In Basilicâ Parisiensi ad tres annos libenter versatus sum[4]. Ces deux dates appartiennent à la même année 1550, si l’on met au mois de janvier le commencement de l’an. Il se dégoûta des chicaneries du palais, et il fut bien aise que les conditions avantageuses que la duchesse de Berri, sœur du roi Henri II, lui fit offrir, lui fournissent une occasion favorable de se retirer du barreau, et d’aller reprendre honorablement à Bourges, l’emploi qu’il y avait eu. Il se remit à y professer la jurisprudence, l’an 1551. Aucun professeur en droit hormis Alciat n’avait jamais eu dans cette université une aussi bonne pension que celle qui fut accordée à notre Duaren. Decretum mihi est ex ærario publico stipendium annuum ad vicena millia sestertiorum nummum, id est longè ampliùs et honorficentiùs (si unum Alciatum excipias) quàm jurisconsultus adhuc ullus habuisse in eâ civitate dicatur[5]. D’ailleurs il fut fait maître des requêtes de la duchesse de Berri[6]. Notez que dans sa lettre à Sébastien de l’Aubespine, datée du 24 de novembre 1550, il fait mention des funérailles d’Éguinard Baron, qui furent un témoignage authentique du respect des écoliers pour la mémoire du défunt. Notez aussi qu’en 1554 il était fort disposé à s’en aller à Valence, où on lui offrait une chaire de droit civil. Dum enitor, elaboro, contendo ut vobis morem geram cum bonâ heræ meæ.... veniâ... interim vobis hunc quasi arrhabonem quendam propensi mei in vos animi ac voluntatis mitto[7]. C’est ainsi qu’il parla en dédiant un ouvrage, l’an 1554, aux curateurs de l’académie de Valence.

Je n’ai parlé qu’en passant de son dégoût pour les chicanes du palais : mais comme il en fait une description fort éloquente, j’ai cru que je devais rapporter ici une partie de ses paroles[8]. In Basilicâ Parisiensi ad tres annos libenter versatus sum : tamet si (ut verum fatear) immodicos ac prope inexplicabiles litium anfractus, quibus illum forum præ cæteris abundat, magis quam lites ipsas ac judicia, quibus humanum genus carere non posse videtur, perinvitus nec absque ingenii fastidio illic viderim. Vix enim credibile est quanta ibi hominum, eorumque gravissimorum et lectissimorum, multitudo quàm minutis ac pusillis in rebus quotidie occupata sit. Ac ut de amplissimo purpuratorum Patrum ordine et conventu loquar, num tibi videntur pleraque eorum jadicia, quæ statis legitimisque diebus ὠς ἐκ τρίποδος palam eduntur, non dicam augusto illo consessu, sed infimo aliquo tribunali satis digna esse ? Nam cùm, etc. Tout ce discours est fort sensé. Ces augustes assemblées qu’on appelle parlemens ont trop d’éclat pour la politesse des causes dont elles décident, et l’on ne peut s’empêcher de

  1. Triennio post discessum Alciati profiteri jus civile hìc cœpi. Duarenus, in Orat. recitatâ in cooptatione Buguerii, pag. m. 305 Oper., part. II. Notez qu’il suppute mal ; car Alciat sortit de Bourges en 1534.
  2. Idem, ibid., pag. m. 297.
  3. Studia jam biennium intermissa. Idem, pag. 294.
  4. Idem, epist. ad Sebast. Albaspin., pag. 297.
  5. Idem, ibid., pag. 298. Voyez la remarque (B) de l’art. Baudouin, t. III, pag. 195.
  6. Idem, ibid.
  7. Duaren., epist. dedicator. Comment. in Titul. de Verborum Obligationibus. Elle est au commencement du premier tome de ses Œuvres.
  8. Idem, epist. ad Sebast. Albasp., pag. 297.