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FRANÇOIS Ier.

qu’il fit avec Soliman. Il n’en sut tirer aucun avantage solide, et il fournit une matière de déclamation à ses ennemis, qui le rendit odieux, et qui lui fit plus de mal que la Porte ne lui fit de bien. On ne saurait excuser que par les maximes d’une très-pernicieuse morale, les mensonges qui furent semés dans l’Europe sur ce sujet (H). On fit courir la formule du serment que l’on supposa que ce prince avait fait au grand-seigneur. Il ne se peut rien voir de plus affreux, de plus impie, ni de plus abominable que ce serment (I) ; et par cela même, et par quelques autres caractères, il faut juger que ce n’est qu’une imposture sans vraisemblance. On n’a pas laissé d’insérer ce formulaire, comme une pièce authentique, dans l’un des livrets qui ont paru contre la France pendant la dernière guerre [a]. Il courut un autre mensonge qui n’était pas moins absurde que celui-là, et qui concernait une prétendue invention de recouvrer les otages que François Ier. avait donnés (K). J’en ai lu un autre bien grossier, qui se rapporte aux embarras où ce prince se trouva l’an 1544 (L). Je parle ailleurs [b] d’une fable qui se rapporte au voyage que l’empereur fit par la France, pour aller châtier la ville de Gand. Ce n’est pas la seule qu’on ait fait courir par rapport à ce temps-là (M). François Ier. fut auteur de quelques innovations, parmi lesquelles il faut principalement compter la coutume que les femmes prirent d’aller à la cour (N). Cela ne fit point changer l’article de la loi salique, qui ne permet point que la couronne de France tombe en quenouille ; mais on peut dire que depuis ce temps-là jusques à la fin du XVIe. siècle plus ou moins, la France fut gouvernée par des femmes [c]. On a eu grand tort d’accuser François Ier. de trop d’indulgence pour les luthériens de son royaume (O). C’est un des mensonges que notre Dictionnaire doit critiquer. Si l’on avait dit que ce prince fut fort utile aux protestans (P) d’Allemagne, on ne se serait pas trompé. J’ai marqué ailleurs [d] les vaines excuses dont il les paya au sujet de quelques luthériens qu’il avait punis de mort. M. Varillas fait là-dessus un anachronisme (Q). Les dernières années de François Ier. furent un temps de calamité pour lui. Les suites de son incontinence [e], et le souvenir des malheurs où la mauvaise conduite de ses ministres l’avait engagé, le plongèrent dans un noir chagrin, qui l’empêchait de connaître ses véritables intérêts ; car il s’affligea mortellement d’une chose qu’il aurait dû regarder comme une bonne fortune. Je parle de la mort de Henri VIII, roi d’Angleterre [* 1], prince qui s’était ligué tant

  1. (*) Cette mort d’un prince plus âgé que lui de peu d’années l’avertissait que lui-même n’irait pas bien loin, et cette réflexion entre autres l’accabla. Voyez les mémoires de du Bellai, sur la fin du liv. X, et M. de Thou, tom. I, pag. 85, B. C. de l’édition de 1626. Rem. Crit.
  1. Voyez la remarque (I).
  2. Dans la remarque (Z) de l’article Charles-Quint, tome V, pag. 70.
  3. Voyez dans la remarque (Z) les paroles de Mézerai.
  4. Tome III, pag. 255, remarque (B) de l’article Bellai (Guil. du.)
  5. Mézerai, Histoire de France, tom. II, pag. 1039.