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EURIPIDE.

on verra le nom de l’historien dans ces paroles du chapitre XX du XVe. livre d’Aulu-Gelle. Euripidi poëtæ matrem Theopompus agrestia olera vendentem victum quæsîsse dicit. Joignez à cela le témoignage de Valère Maxime : Quam matrem Euripides aut quem patrem Demosthenes habuerit, ipsorum quoque seculo ignotum fuit : alterius autem matrem olera, alterius patrem cultellos venditâsse omnium penè doctorun literæ loquuntur [1]. Suidas ne dit rien de particulier touchant la naissance de Mnésarchus ; mais il dit qu’il n’est point vrai que la mère d’Euripide vendît des herbes : elle était, dit-il, très-noble, comme Philochorus le prouve. Οὐκ ἀληθὲς δὲ ὡς λαχανόπωλις ἦν ἡ μήτερ αὐτοῦ· καὶ γὰρ τῶν σϕόδρα εὐγενῶν ἐτύγχανεν, ὡς ἀποδείκνυσι Φιλόχορος. Il avoue que Mnésarchus et sa femme s’enfuirent dans la Béotie, et qu’ensuite ils habitèrent dans l’Attique. Cela laisse plutôt une mauvaise impression qu’une bonne, et confirme en quelque façon ce que dit Stobée. Notez qu’Aristophane, pour mieux empoisonner ses traits satiriques, suppose que la mère d’Euripide ne vendait que de très-mauvaises herbes. Hæc est (scandix) quam Aristophanes Euripidi poëtæ objicit joculariter, matrem ejus ne olus quidem legitimum venditâsse, sed scandicem [2]. Les notes du père Hardouin nous apprennent en quel endroit Aristophane a plaisanté sur ce sujet, et ce que le scoliaste observe, et d’autres choses encore. Il cite la scène IV de l’acte II de la comédie Acharnenses, page 394. Il eût pu citer aussi le même poëte, in Equitibus, Act. I, Sc. I, page 289 ; et in Cerealibus, page 786, G, et page 790, F. M. Drelincourt m’en a averti.

(C) Un... oracle mal entendu fut cause que l’on éleva Euripide comme.... les athlètes. ] S’il était vrai, comme le prétend M. Barnes, que l’oracle d’Apollon fut consulté sur la destinée d’Euripide, pendant que Clito était grosse [3], il serait assez vraisemblable que ce n’était pas une vendeuse de choux ; car le mari d’une telle femme ne s’avisait guère d’importuner Apollon touchant le sort d’un enfant qui n’était point né. Je ne dis pas la même chose d’un enfant de six ou sept ans : il pouvait donner tant de marques singulières de grand esprit, ou de grand cœur, que son père, de quelque condition qu’il fût, pouvait avoir beaucoup d’impatience de savoir ce que deviendraient tant de belles espérances. Ainsi, pendant qu’on ignore en quel temps fut rendu l’oracle qui concerne notre Euripide, on n’en saurait rien conclure en faveur de sa noblesse, et contre ceux qui le font fils d’une revendeuse d’herbes. Or il est sûr que l’on ne sait rien touchant ce temps-là : l’auteur [4] que M. Barnes cite n’en dit pas un mot, il dit simplement que l’oracle fit cette réponse :

Ἔςαι σοι κοῦρος Μνησαρχίδη, ὅν τινα πάντες
Ἄνθρωποι τίσουσι, καὶ ἐς κλέος ἐσθλὸν ὀρούσει,
Καὶ ςεϕέων ἱερῶν γλυκερὴν χάριν ἀμϕιϐαλεῖται.

Te, Mnesarche, manet summo cumulandus honore
Filius, ac meritæ summa ad fastigia laudis
Conscendens, lætas sacro ex certamine palmas
Auferet...........................


Il pouvait critiquer cet oracle mieux qu’il ne l’a critiqué : et j’admire que puisqu’il prenait à tâche de convaincre d’imposture la divinité d’Apollon, il lui a laissé passer le mensonge contenu dans ces trois vers grecs. Il faudrait être un grand chicaneur pour nier que cet oracle ne promette les couronnes que l’on gagnait aux jeux olympiques, pythiques, etc. Or nous ne lisons point [5] qu’Euripide ait gagné de ces sortes de couronnes : dès la première fois qu’il se présenta pour les disputer, il fut renvoyé [6].

    ibid., pag. 776. Aulu-Gelle, liv. XV, chap. XX, rapporte ces vers.

  1. Valer. Maximus, lib. III, cap. IV.
  2. Plin., lib. XXII, cap. XXII, pag. m. 203, 204.
  3. Quùm adhuc Clio mater illum in utero gereret, consulenti de eo oraculum patri hoc responsum dedit Apollo. Barnes., in Vitâ Euripidis, num. 3. Nous verrons ci-dessous qu’Aulu-Gelle dit que ce furent des Chaldéens qui firent cette prédiction, après la naissance d’Euripide.
  4. Œnomaüs, apud Eusebium de Præpar. Evangel., lib. V, cap. XXXIII, pag. m. 227.
  5. Voyez Barnes, in Vitâ Euripid., pag. 10.
  6. Voyez ci-dessous Aulu-Gelle, citation (20). Il dit pourtant qu’Euripide, depuis ce renvoi, disputa le prix, et l’obtint dans les combats moins célèbres.