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DANTE.

verez les notes de Christophle Landinus, et celles d’Alexandre Vellutelli. Celles de Vincenzo Buonanni sur l’Enfer de ce poëte me sont tombées depuis peu entre les mains : elles furent imprimées à Florence, in-4°. l’an 1572, et dédiées à François de Médicis prince de Toscane[1]. L’auteur promettait un semblable commentaire sur le Purgatoire et le Paradis de Dante : je ne sais point s’il a tenu sa parole ; mais je sais que Bernardino Daniello a commenté tous ces trois poëmes, et que longtemps avant lui Benvenuto d’Imola avait fait la même chose avec beaucoup d’esprit et d’érudition. Benevenutus, summus philosophus et poëta comædiarum Dantis interpres, quâ in re cum excellenti ingenio doctrinam quoque summam ostendit[2]. Grangier, conseiller et aumônier du roi, et abbé de Saint-Barthélemi de Noyon, les a mis en rime française, et commentés. Son ouvrage fut imprimé à Paris, l’an 1597, en trois volumes in-12. M. Baillet[3] vous instruira des jugemens que les critiques ont faits de ces poëmes. Il dit qu’au sentiment de Castelvetro ils doivent passer pour un poëme épique, quoique les italiens leur aient donné le titre de comédie. Il faut noter que l’auteur même le leur donna[4]. Au reste ceux qui, pour prouver qu’il y travaillait avant son bannissement, nous viendraient dire que le chant XXI de son Enfer fut composé l’an 1300, nous allégueraient une faible preuve ; car il s’est joué des dates à sa fantaisie. N’introduit-il pas des gens qui lui prédisent ce qui lui était déjà arrivé[5] ? Il se transporte donc en un temps antérieur à celui où il faisait son poëme.

(H) ...... Et a fourni une matière de guerre à plusieurs critiques. ] Les uns ont censuré Dante, et les autres ont écrit son apologie. Jacques Mazzoni passe pour l’un des plus doctes de ses défenseurs. Il publia deux volumes contre un certain Castravilla, qui avait critiqué Dante[6]. Un savant homme de Sienne, nommé Bellisaire Bulgarini, fit des notes contre cet ouvrage de Mazzoni, à la prière d’Horace Capponi évêque de Carpentras. Quelqu’un les lui déroba, et les publia sous son nom, et sous le titre de Brevis atque ingeniosa contra Dantis opus disputatio. On le convainquit si fortement de son vol, qu’il fut obligé de chanter la palinodie. Il la rendit publique conjointement avec un ouvrage où il répondait aux objections de Bulgarini contre Dante. Un savant homme de Bologne, nommé Jérome Zobbius, prit part à cette querelle, et publia un ouvrage l’an 1583, qu’il intitula, Dantes et Petrarcha ab Hieronymo Zobbio defensi. Bulgarini profitant de cette occasion de manifester plus sensiblement la fraude de son plagiaire, fit voir le jour à un nouveau livre où il réfutait ce que Capponi avait opposé aux quatre premières parties de ses remarques contre Mazzoni. Il en publia deux autres, l’un contre celui de Zobbius, l’autre contre la palinodie et l’apologie du plagiaire. Voilà déjà quatre ouvrages de Bulgarini. Il en publia un autre en italien, où il réfuta ce que Zobbius avait écrit pour la défense de Dante, touchant les particules poétiques. Son sixième ouvrage a pour titre : Bellisarii Bulgarini, Aperti, academici inthronati, notæ ad primam Dantis defensi partem Jacobi Mazzoni. Enfin, il fit imprimer un livre contre un manuscrit qu’on attribuait faussement à Spéron Spérone, et qui soutenait la cause de Dante[7]. On prétend qu’il sortit victorieux de ce long combat, et que la force de ses raisons fit établir que la comédie de Dante n’appartenait à aucune espèce de poëme, vu qu’elle était éloignée des préceptes d’Aristote. Ne multis morer, finis fuit ejusmodi, ut Bulgarinus certaminis victor discederet, cùm, certissimis validissimisque rationibus, adversariorum copias, pro Dante propugnantes, profligâsset, obtinuissetque, illius comædiam, veram poëmatis cujuspiam rationem non habe-

  1. Et non pas au grand-duc Cosme, comme Michel Poccianti, de Scriptor. Florent., pag. 169, l’assure.
  2. Leand. Albert., in Descript. ltal., pag. 493.
  3. Au commencement de la IIIe. partie des Jugemens sur les Poëtes.
  4. Voyez le chant XVI et le XXIe. de l’Enfer.
  5. Voyez ci-dessous, citation (76).
  6. Nicius Erithræus, Pinacoth. I, pag. 68.
  7. Tiré de Nicius Erythræus, Pinac. II, pag. 72, 73.