encore dans ce poëme son indignation contre la ville de Florence, la comparant à une retraite des brigands, et à une fille prostituée ; en ce qu’elle mettait toutes les charges publiques en vente, et changeait continuellement de magistrats, de monnaie, et de coutumes, pour supporter avec moins de peines les incommodités de son gouvernement. Il aurait fallu ajouter qu’il la décrie comme une ville où les femmes s’abandonnaient aux désordres de l’impureté. Il introduit Forèse [1], qui admire dans le purgatoire que sa veuve vive chastement au milieu de tant d’impudiques. Je rapporte ses paroles, selon la version de Grangier :
A Dieu tant plus est chère, et tant plus agréable
Ma veſve, que beaucoup au monde j’ay aymé,
Que plus seule à bien faire elle est par trop louable.
Pour ce que le pays de Sardaigne estimé
Barbare, est bien plus chaste en ce qui est des femmes,
Que là où je la laisse au milieu des infâmes.
O frère bon et doux, que veux-tu que je dye ?
Desjà le temps futur m’est au-devant des yeux,
Qui suivra non de loing l’heure qui nous manie.
Lors l’on interdira pour adviser au mieux
En la chaire publicque aux dames florentines
De monstrer leurs tétins et leurs molles poitrines[2].
Rapportons la paraphrase du traducteur
[3] : « Le temps viendra bientôt
(dit-il), que l’ire de Dieu se
débondera d’une telle façon au
grand malheur de la république de
Florence, pour les impudicités et
vilainies des dames Florentines,
que, si l’on veut apaiser son ire,
les prédicateurs seront contraints
de défendre publiquement qu’elles
ne portent plus leurs gorges et poitrines
ouvertes. C’est ce qu’il veut
dire, Nel qual sarà in Pergamo
(il nomme ainsi la chaire de vérité)
interdetto a le sfaciate donne Fiorentine,
proprement eshontées,
L’andar monstrando con le poppe
il petto, c’est-à-dire, d’aller par
la ville la gorge découverte pour
montrer leurs grosses mamelles
et l’estomac bien relevé. » Un écrivain
français du XVIe. siècle a
exprimé plus fortement cette espèce
de nudité dont il blâmait les Françaises.
Quant à nos femmes, dit-il
[4], elles ont appris la manière des
soldats du temps présent, qui font
parade de monstrer leurs poitrinals
dorez, et reluisans, quand ils vont
faire leurs monstres ; car alant à
leurs messes gagner les pardons, ou
soit qu’elles aillent en ville visiter les
vergiers, ou jardins, ou autres lieux
secrets, qu’il n’est séant à dire, et
pour cause, elles font leurs monstres
de leurs poitrines ouvertes, monstrans
leurs seins, diaphragmes, le
cœur, les poulmons, et autres parties
pectorales qui ont un perpétuel mouvement,
que ces bonnes dames font aller
par compas, ou mesure, comme un
horologe, ou pour mieux dire comme
les soufflets des mareschaux, lesquels
allument le feu pour servir à leur
forge : ainsi de mesme vont nos damoiselles
lesquelles par les soufflets
ou respirations de leurs poulmons,
allument le feu du cœur des Héliogabalistes
de nostre cour, lesquels ne
sont desjà que par trop effeminez et
eschauffez en leurs concupiscences ;
mais pour les mieux inflammer ou
brusler du tout, nos Médées de cour
inventent tous les artifices que nature
a peu produire, pour aider au genre
humain à bon usage, afin de les convertir
en choses lascives, infämes, et
sordides. L’abus ne fut pas si grand
quelques années après[5].
Les protestans ont bien fait valoir les invectives de Dante contre les abus de la cour de Rome[6]. Voyez ci-dessous la remarque (I).
(G) Son poëme de l’Enfer, etc., a servi de texte à quelques commentateurs. ] Voyez l’édition qui fut faite de ses poésies italiennes à Venise, l’an 1564, in-folio, par les soins de François Sansovin[7] : vous y trou-
- ↑ Il était oncle paternel du jurisconsulte François Accurse. Grangier, Comment. sur le Purgatoire de Dante, pag. 401.
- ↑ Dante, chant XXIII du Purgatoire, pag. m. 396.
- ↑ Grangier, Commentaire sur le Purgatoire de Dante, pag. 404.
- ↑ Nicolas de Montand, Miroir des Français, liv. I, pag. 17, 18, édit. de 1581.
- ↑ Voyez dans la remarque (B) de l’article Dempster, le scandale des Parisiens.
- ↑ Voyez entre autres Flacius Illyricus, in Catalogo testium Veritatis ; et Wolfius, au Ier. volume Lectionum memorabilium, et reconditarum, pag. m. 612. :
- ↑ J’ai vu une édition de Venise faite (je crois) sur celle-là, en 1578, in-folio, dédiée le 10 juin 1578, par. Gio. Ant. Rampazetto, à Guillaume de Gonzague duc de Mantoue.