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AUSONE.

l’édition de Gryphius ; et, parce que le papier manqua à Millanges, on ne put mettre sous la presse le Commentaire de Vinet. On ne l’imprima que quatre ans après l’édition que Millanges avait faite des Œuvres d’Ausone[1]. C’est pourquoi, si l’on veut parler exactement, il ne faut point dire que la meilleure édition d’Ausone est celle qui fut publiée à Bordeaux, l’an 1575, avec les Commentaires d’Élie Vinet. Præ reliquis verò laudanda luculenta Ausonii editio, cum Commentariis viri docti Eliæ Vineti vulgata, Burdigalæ A. 1575 ; et post ejus obitum A. 1590, 4[2] ; car, encore un coup, ces Commentaires ne parurent qu’en 1580. M. Moréri a été exact sur ce point : il s’est seulement trompé à dire que Vinet était de Xaintes ; le mot Santo ne signifiait ici que Saintongeois. La Bibliothéque de M. l’archevêque de Reims fait mention[3] d’un Ausone imprimé chez Millanges, à Bordeaux, l’an 1575, avec les Commentaires d’Élie Vinet. Je m’imagine que cette faute est venue de ce qu’on a appliqué à toutes les pièces reliées ensemble la date 1575, qui ne convient qu’aux Œuvres d’Ausone qui sont à la tête du volume. M. Borrichius a eu tort de débiter, 1°. que l’édition de Vinet est des meilleures ; 2°. que Vinet a commenté le poëme d’Ausone de Urbibus[4]. N’est-ce pas dire qu’il n’a point fait de commentaires sur les autres poésies d’Ausone ? La meilleure édition de ce poëte est celle d’Amsterdam, en 1671 ; mais j’ai déjà averti[5] que le titre promet faussement que l’on y a inséré tout entières les notes de Mariangelus Accurse. Je donnerai un supplément à tout ceci dans l’article d’Hugolin Martellius, à la fin de la remarque (A). N’ayant pas le livre du père Lacarry[6], je suis obligé de me contenter de ce que j’en trouve dans le Journal des Savans. « La double préfecture d’Ausone, qui a donné tant de peine à Scaliger, y est traitée fort nettement. On voit que, l’an 378, Ausone fut préfet du prétoire des Gaules et d’Italie, avec son fils Hespérius ; mais il ne fut préfet d’Italie que jusques environ le mois de juillet, qu’un certain Antoine fut créé préfet du prétoire d’Italie, comme il est marqué dans le code. Ainsi la préfecture d’Ausone et d’Hespérius dans l’Italie, fut interrompue par Antoine ; mais il la reprit avec son fils, en 359, et continua celle des Gaules avec lui sans nulle interruption, pendant les années 358 et 379[7]. » Cette hypothèse et cette chronologie ne sont pas conformes au sentiment du sieur Rubenius, que j’ai rapporté. Si j’avais le livre du père Lacarry, Je saurais peut-être lequel des deux a développé plus exactement cette matière.

(H) Trithème a prétendu qu’Ausone fut évêque de Bordeaux. ] Trithème assure que cet évêque était fort savant dans les saintes lettres, et aussi recommandable par sa piété que par son érudition, et qu’il florissait sous Maxime l’an 310, et qu’il fit de très-belles choses avec saint Martin, saint Ambroise et saint Jérôme, dans le synode que ce prince fit tenir à Trèves. Voilà un monceau de fables. Vinet observe qu’il y a des gens qui veulent qu’Ausone ait été canonisé : il dit aussi que les habitans d’Angoulême honorent comme l’un de leurs principaux saints un Ausone qui a été, disent-ils, leur premier évêque, et il ne trouve point impossible que le poëte Ausone, ayant été élu évêque par ceux d’Angoulême, ait accepté cette prélature[8]. Une chronique manuscrite d’Angoulême porte qu’Ausone, disciple de saint Martial, et évêque d’Angoulême, souffrit le martyre quand les Vandales ravagèrent les Gaules[9]. M. de Hauteserre réfute cela par la raison qu’un disciple de saint Martial n’a pu être encore en vie au commen-

  1. Tiré de la Préface d’Élie Vinet.
  2. Joh. Albert. Fabricius, Biblioth. lat., pag. 177.
  3. À la page 394.
  4. Ausonii editio selectior est Jos. Scaligeri, et Eliæ Vineti. Borrich., de Poëtis latinis, pag. 73.
  5. Ci-dessus, citation (b) de l’article de (Marie-Ange) Accurse.
  6. Intitulé Historia Galliarum sub præfectis prætorio Galliarum.
  7. Journal des Savans du 12 août 1675, pag. 225, édition de Hollande.
  8. Elias Vinetus, in Vitâ Ausonii.
  9. Alteserra, Rerum Aquitanicarum lib. V, cap. VIII, pag. 339.