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AUGUSTIN.

bile professeur en rhétorique, le destina à cet emploi l’an 383. Saint Augustin fut fort estimé à Milan : il alla rendre visite à saint Ambroise, et en fut fort bien reçu. Il allait à ses sermons beaucoup moins par un principe de piété, que par un principe de curiosité critique. Il voulait voir si l’éloquence de ce prélat méritait la réputation à quoi elle était montée. Dieu se servit de ce moyen pour le convertir : les sermons de saint Ambroise firent une telle impression, que saint Augustin se fit catholique l’an 354. Sa mère, qui l’était venue trouver à Milan, fut d’avis qu’il se mariât, afin de renoncer à la vie déshonnête qu’il menait. Il consentit à cette proposition et renvoya en Afrique sa concubine ; mais comme la fille qu’on lui destinait pour épouse ne devait être en âge nubile qu’au bout de deux ans, il ne put faire une si longue résistance à son naturel : il reprit le commerce d’impureté. Enfin la lecture des Épîtres de saint Paul, les sollicitations et les larmes de sa mère, les bons discours de quelques amis, attirèrent sur lui le dernier coup de la grâce ; il se sentit bon chrétien, prêt à tout quitter pour l’Évangile : il renonça à sa profession de rhétorique, et il se fit baptiser par saint Ambroise, la veille de Pâques, l’an 387. L’année suivante, il s’en retourna en Afrique. Il avait perdu sa mère à Ostie, où il devait s’embarquer [a]. Il fut ordonné prêtre l’an 391, par Valère, évêque d’Hippone. Quatre ans après, il devint coadjuteur de ce prélat, et il rendit des services très-importans à l’Église par sa plume et par sa piété, jusques à sa mort qui arriva le 28 d’août 430 [b]. Le détail de sa vie épiscopale et de ses écrits, serait ici superflu : on peut le trouver dans le Dictionnaire de Moréri, et dans la Bibliothéque de M. du Pin ; et si ces messieurs n’avaient passé trop légèrement sur la vie déréglée de saint Augustin, j’aurais pu me dispenser entièrement de cet article. Mais, pour la plus grande instruction du public, il est bon de faire connaître les grands hommes à droite et à gauche. L’approbation, que les conciles et les papes ont donnée à saint Augustin sur la doctrine de la grâce, fait un grand bien à sa gloire ; car sans cela, les molinistes dans ces derniers temps, auraient hautement levé la bannière contre lui, et mis à néant son autorité. Nous avons fait voir ailleurs [c], que toute leur politique n’a pu les contraindre à bien sauver les apparences, et à ne lui point porter indirectement de rudes coups. Il est certain que l’engagement où est l’église romaine de respecter le systême de saint Augustin, la jette dans un embarras qui tient beaucoup du ridicule (E). Les arminiens, n’ayant pas les mêmes ménagemens à garder, en usent

  1. Tiré de l’Histoire ecclésiast. de Jean le Sueur, tom. III, à l’an 388, pag. 484 et suiv. de édition in-12.
  2. Du Pin, Bibliothéq. des Aut. ecclés., tom. III, pag. 158.
  3. Ci-dessus dans les remarques (C), (D) et (L) de l’article de Jean Adam, jésuite. Vous y verrez divers jugemens qu’on a faits de saint Augustin. Voyez aussi l’État de la Faculté de Théologie de Louvain, en 1701, pag. 207.