Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T02.djvu/456

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
446
ARTABAN.

2°. Il n’est pas vrai que Justin dise que notre Arsinoé était fille d’Antiochus Soter ; 3°. Ni que son mari se nommait Magus [1] ; 4°. Ni que ce prétendu Magus était fils de Ptolomée Lagus [2] ; 5°. Ni qu’elle fit épouser sa fille à Démétrius ; 6°. Ni qu’elle eut dessein de lui mettre la couronne sur la tête ; 5°. Ni qu’elle fut chassée. Peut-on assez condamner une licence si hardie ? On narre tout ce qu’on veut sans qu’on le trouve dans un auteur, et puis on a la hardiesse de le citer. Je sais, qu’en prenant pour guide un historien d’un aussi petit jugement que Justin, on est obligé de suppléer bien des circonstances ; mais alors il faut avertir qu’on les supplée, il ne faut pas les donner pour une version de Justin. J’ai dit que cet abréviateur n’a guère de jugement, et je suis sûr que Trogue Pompée pesterait cent fois le jour contre lui, s’il pouvait connaître le mauvais état où son ouvrage a été réduit par ce faiseur d’abrégés. Il se perdrait lui-même dans les ténèbres de son abréviateur. Presque tous les Antiochus et les Ptolomées, et les Antigonus y paraissent sans les marques de leur distinction : on ne sait s’il parle du père, ou du fils, ou du petit-fils ; il faut le deviner la plupart du temps. Il n’a pas seulement pris la peine de dire si le mariage de Démétrius avec Bérénice fut consommé. Belle demande ! me dira-t-on ; et moi je dis qu’il eût dû marquer expressément le oui ou le non ; car il n’est pas sans apparence qu’un homme qui observa avec joie qu’il était aimé de la mère, consentît que l’on différât ses noces avec la fille. Vous m’allez dire que Justin donne à Arsinoé la qualité de belle-mère de Démétrius, nimis placere socrui cœperat ; mais je vous réponds qu’il donne ensuite à Bérénice la qualité de pucelle, quæ res suspecta primò virgini : par conséquent, l’une de ces phrases renverse l’autre, et l’on soupçonne qu’il ne se sert point des termes dans le sens le plus exact. L’index de Justin, dans l’édition de M. Grævius, ne donne à Bérénice que la qualité de fiancée [3]. Quoi qu’il en soit, ni Justin, ni plusieurs autres abréviateurs, ne savent pas qu’un abrégé doit ressembler aux pygmées qui ont toutes les parties du corps humain, mais chacune à proportion plus petite que celles d’un homme de belle taille. Apetissez dans un abrégé les parties d’une narration, tant qu’il vous plaira, mais ne les retranchez pas entièrement. Comptons pour la VIIIe. faute de M. Moréri, la contradiction où il est tombé. Il veut ici que Bérénice, femme de Ptolomée Évergètes, fût fille de Magus ; ailleurs [4], il assure qu’elle était la propre sœur de ce Ptolomée.

(D) .....et une de M. Ménage. ] Elle est dans sa note sur ces paroles de Diogène Laërce : Δημητρίου τοῦ πλεύσαντος εἰς Κυρήνην, ἐπὶ πλέον ἐρασθῆναι λέγεται (Ἀρκεσίλαος) [5]. Demetrium qui Cyrenem [6] navigavit amâsse plurimùm dicitur (Arcesilaus). Je ne n’étonne pas, dit M. Ménage, que ce philosophe amoureux des jeunes garçons ait aimé Démétrius, qui semble avoir eu une beauté merveilleuse, et qui enfin le perdit ; car on le tua dans le lit de sa marâtre, In novercæ concubitu cæsus est. Justin, cité par M. Ménage, ne permet pas de dire qu’Arsinoé eut une telle alliance avec le mignon d’Arcésilas. On eût mieux fait de marquer la faute de l’interprète latin [7].

  1. Son nom dans les éditions de Justin est Agas : son vrai nom est Magas.
  2. Il était fils d’un certain Philippe et de la maîtresse de ce Ptolomée.
  3. Demetrius à sponsâ suâ interficitur., 26, 3, 7.
  4. Dans le second article Bérénice.
  5. Diog. Laërtius, in Arcesilao, lib. IV, num. 41.
  6. Il y a dans les éditions, cùm is Cyrenem navigâsset. Ce qui est faux ; car l’amour d’Arcésilas ne vint point après le voyage de Cyrène.
  7. Voyez la note précédente.

ARTABAN, fils d’Hystaspe (A), et frère de Darius Ier. du nom, roi de Perse, nous est représenté par Hérodote comme un homme sage, qui déconseillait toujours ces expéditions d’éclat qui furent si funestes à la monarchie des Perses [a]. Il ne fut point

  1. Herodot., lib. IV, cap. LXXXIII.