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ANSELME.

de Moréri ; j’y renvoie le lecteur. Les moines de Lerins, qui ont donné place dans la chronologie de leurs saints et illustres moines à ce grand prélat, sont réfutés par l’auteur [a] d’un livre qui s’intitule les Moines travestis [b] [* 1]. Nous verrons ci-dessous qu’il employa pour l’existence de Dieu un argument que M. Descartes a bien fait valoir (B).

  1. * L’auteur s’appelait Pierre Joseph d’Haitze.
  1. Il se donne le nom de M. Pierre Joseph. Son ouvrage a été imprimé l’an 1698, in-12
  2. Moines travestis, tom. I, pag. 49.

(A) Il aurait souhaité achever un traité sur l’Origine de l’Âme. ] Cette disposition d’esprit fait dire à un docteur de Louvain que le dogme de la propagation des âmes durait encore à la fin du XIe. siècle. Imò, dit-il [1], usque ad tempora sancti Anselmi, hoc est annum Christi MC, in Occidente durâsse videtur hæc de animarum traductione dubitatio. Nam cùm paulò postmoriturus sanctus Pater decumberet, dixisse scribit familiaris et convictor ejus Edinerus [* 1] : « Si Deus mallet me adhuc inter vos saltem tam diù manere, donec quæstionem, quam de animæ origine mente revolvo, absolvere possem, gratiosus acciperem : eò quòd nescio, utrum aliquis cam, me defuncto, sit absoluturus. » Je cite ailleurs [2] Thomas Bartholin, qui a fait une réflexion sur cette pensée de saint Anselme.

(B) Il employa pour l’existence de Dieu un argument que M. Descartes a bien fait valoir. ] La liste que M. Baillet a donnée des auteurs dont on prétend que M. Descartes a été le plagiaire, contient ces paroles : « L’on met aussi saint Anselme au nombre des anciens de qui M. Descartes [* 2] a pu profiter pour l’argument de l’existence de Dieu, qu’il tire, de ce qu’un être très-parfait, ou du moins le plus parfait que nous puissions concevoir, renferme une existence. L’argument se trouve dans le livre que ce saint [* 3] a écrit contre l’Insensé, pour répondre à un auteur inconnu, qui avait écrit en faveur de l’Insensé, contre un raisonnement qu’avait fait saint Anselme dans son Livre intitulé Prosologion [3]. » Notez que M. Huet observe que Thomas d’Aquin a réfuté cet argument : Celebris illa argumentatio….. tota est Anselmi, et in Proslogio, et in Apologetico contra Gaunilonem : eamdemque et exposuit Thomas Aquinas, et refellit [4].

  1. (*) Ediner., in Vitâ sancti Anselmi, apud Surium, die 21 aprilis.
  2. (*) Tom. II des Lettres, pag. 276, etc.
  3. (*) Wilh. Leibnitz, Epist. ms., tom. III, oper. Anselm., edit. Coloniensis.
  1. Libert. Fromond. Philosoph. Christ., de Animâ, lib. IV, cap. III, pag. 812.
  2. Dans la remarque (E) de l’article Averroès, citation (47).
  3. Baillet, Vie de Descartes, tom. II, pag. 536, 537.
  4. Huetii Cens. Philos. Cartes., pag. 204.

ANSELME [* 1], augustin déchaussé, natif de Paris, sera trop souvent cité dans ce Dictionnaire, et il a fourni trop de matériaux à M. Moréri, pour ne mériter pas ici une place. Il est mort à Paris, le 17 de janvier 1694, âgé de soixante-neuf ans. Il en avait passé cinquante dans un détachement de toutes les charges monastiques, s’appliquant uniquement aux devoirs de la vie religieuse, et à composer des livres. Il était près de donner une seconde édition de son Histoire généalogique de la maison de France, et des grands officiers de la couronne (A), avec des corrections et avec des augmentations auxquelles il travaillait depuis long-temps. Il avait aussi entrepris un ouvrage qui traite des Maisons souveraines, et des plus illustres familles de l’Europe, et il y avait déjà mis

  1. * Son nom de famille était Guibourg (Pierre de). Il prit avec l’habit monastique le nom d’Anselme de Sainte-Marie.