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plus dures moralement peut-être — que nous avons vécues depuis l’offensive de Champagne, depuis l’écroulement que nous nourrissions des espoirs d’une guerre relativement courte. Il nous a fallu alors nous replier sur nous-mêmes avec la vision d’une guerre certainement encore longue, plus pénible que nous ne l’aurions crue, et où nous aurions à souffrir plus que jamais ; et, à ce moment, la nécessité de nous faire « une âme de guerre » s’est imposée à nous ; nous nous y sommes pliés, sans nous en rendre compte du reste, pour la plupart d’entre nous. Nous avions jusque-là conservé presque intacte notre mentalité d’avant-guerre ; nous l’avions simplement recouverte d’un manteau d’enthousiasme. Ce manteau s’est usé peu à peu ; il a chez presque tous disparu aujourd’hui ; c’est pourquoi la masse paraît moins brillante qu’aux premiers jours, mais je crois qu’un changement essentiel et profond ne s’est pas moins opéré, et il continue son œuvre. Ce sont maintenant nos anciennes petites idées qui paraissent en surface, et si nous les défendons encore parfois, souvent nous n’y croyons plus. Il n’y a plus qu’une écume sur la conscience française ; vienne le grand souffle de la victoire, tout cela sera balayé dans un grand vent d’union et de fierté nationales. Nos souffrances seront oubliées, qui auront été payées par la gloire, dont, Français, nous serons toujours les éternels amoureux. (H. B., de Lille.)

(23) Note de la page 266. — Ayant lu mon récit, le grand et savant Saint-Saëns me disait : « Certes, cette union d’un prêtre, d’un pasteur et d’un rabbin est extrêmement touchante ; mais faut-il l’admirer ? Au point de vue sérieusement religieux, elle n’est pas admirable. La foi