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mais c’est un texte. Un soldat de dix-neuf ans protège un soldat de douze ans :

14 février 1915.

Il y a quelques jours, j’étais allé avec un de mes camarades pour boire un verre de vin chaud dans une petite auberge.

Par hasard, j’y trouvai le petit chasseur Chocolat, l’enfant du bataillon. J’avais déjà remarqué pendant les marches, ce gamin à l’œil vif, qui soufflait dans un petit clairon.

À peine étais-je assis, qu’il sauta sur mes genoux.

— Petit, lui dis-je, en caressant ses cheveux blonds, où est ton père ?

Ses yeux bleus se levèrent tristement vers moi :

— Je n’en ai pas, dit-il doucement.

— Et ta mère ?

— Je n’en ai pas non plus.

— Tu n’as donc personne pour s’intéresser à toi, ni sœur, ni frère ?

— Des frères, oh si j’en ai, dit-il en me sautant au cou.

Et il se mit à secouer les trois médailles qui pendaient sur sa poitrine au bout d’un ruban tricolore. L’une représentait le Sacré-Cœur, l’autre la Vierge Marie. Au milieu brillait la médaille militaire, médaille en fer blanc qui, bientôt peut-être, sera d’argent.

Notre petit chasseur a été à la guerre avec ses grands frères. Il leur portait des balles dans tes tranchées. (Lettre de Michel Penet, du 14 février 1915.)

(22) Note de la page 259. — « Déjà la vie religieuse des armées n’est plus ce qu’elle était en 1914 et 1915… Mais nul ne reviendra de