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les yeux, en regardant passer notre beau bataillon. » Il arriva aux tranchées le 20 avril 1915, et le 29 mai, héroïquement, il tombait (21). (Lettres imprimées à Chambéry, sans nom d’éditeur.)

Comme je souffre de m’arrêter de les citer ! Et j’ai donné la parole aux morts seulement. C’est par convenance, afin de les louer en toute liberté, mais les vivants sont leurs pareils. J’ai peur de paraître injuste envers les vivants. À défaut de la consécration suprême, ils possèdent cette gloire de continuer à être utiles. Touchés ou non de la balle folle, ces enfants magnifiques se valent. À peine émergé de l’enfance, chacun d’eux se confond d’une certaine manière avec toute sa génération. Ils en épanouissent la beauté et nous en rendent le parfum sans avoir eu le temps de se roidir pour devenir des individus. Corps flexibles, âmes molles et tendres, en qui la force précocement s’éveille, véridiques et modestes jusqu’à l’humilité, connaissant