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tu es un ingrat ! à ta place Baleine pouvait servir un mets moins vinaigré, et plus d’un de nos confrères lui en fera des reproches ce soir. »

Je finis par rire de l’aventure ; mais elle n’en fut pas moins pour moi une utile leçon, et pour Baleine aussi, car il ne s’avisa plus de me servir à ses pratiques.

Hélas ! il fallut bientôt m’éloigner de Désaugiers, dont je n’admirais pas seulement le talent, mais dont j’aimais la personne. Trop faible pour n’être pas le jouet des intrigants qui l’entourèrent dès qu’il fut nommé directeur du Vaudeville, par faveur ministérielle, il afficha un fanatisme politique que n’expliquaient pas son humeur insouciante et sa bonté naturelle. Son esprit n’allait point à de pareilles préoccupations. Son royalisme ne nous avait pas séparés, et je célébrai son arrivée à la direction avec un vrai plaisir ; mais, quand il alla jusqu’à attaquer tous ceux dont il avait été l’ami sous l’Empire, par la chanson qu’il fit au sujet de Germanicus, quelque regret qu’il m’en coutât, je cessai de le voir, et, je dois le dire, dans de passagères rencontres il s’en montra toujours affligé. On voulut lui faire croire que la chanson de Paillasse[1] était dirigée contre lui ; il y fit une assez faible réponse ; puis, mieux

  1. Décembre 1816. (Voir à la fin de ce volume les notes inédites no LVIII.)