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nous étions, leur vie nous paraissait une folie, et leur mort honteuse ; cependant les voilà élevés au rang des enfants de Dieu, et leur partage est avec les saints. Nous nous sommes donc égarés de la voie de la vérité ; la lumière de la justice n’a point lui pour nous, et le soleil de l’intelligence ne s’est point levé sur nous. Nous nous sommes lassés dans la voie de l’iniquité et de la perdition, nous avons marché dans des chemins âpres, et nous avons ignoré la voie du Seigneur. De quoi nous a servi notre orgueil ? Qu’avons-nous retiré de la vaine ostentation de nos richesses ? Toutes ces choses sont passées comme une ombre[1]. Voilà pourquoi la foi nous presse de mourir avec joie pour le Seigneur dans cette persécution ». Réponse : Reconnaissez votre crime, et n’usurpez point un nom qui ne vous appartient pas. L’Écriture vient de nous dire : « Alors les justes s’élèveront avec une grande assurance contre ceux qui les auront accablés d’afflictions, et qui leur auront ravi le fruit de leurs travaux ». Elle ne dit pas Tous ceux qui auront eu des maux à souffrir ; mais « les justes ». Quand le Seigneur a dit : « Bienheureux ceux qui souffrent persécution », s’il n’avait pas ajouté : « pour la justice », on aurait pu croire qu’il désignait, non-seulement ceux qui sont couronnés dans le Seigneur pour leur patience, mais encore ceux qui sont punis par la vindicte des lois. Avant donc de vous attribuer des paroles qui ne regardent que les justes, montrez d’abord que vous êtes véritablement justes. En effet, vous avez des ; titres bien puissants à énumérer à l’appui de votre justice : votre séparation de Jésus-Christ, le déchirement des sacrements de Jésus-Christ, l’abandon de la paix de Jésus-Christ, la guerre contre les membres de Jésus-Christ, des accusations contre l’épouse de Jésus-Christ, la négation des promesses de Jésus-Christ ! Voilà vos principaux titres à la justice, ceux pour lesquels vous vous élèverez avec une grande assurance contre ceux qui vous auront accablés d’afflictions, et vous auront ravi le fruit de vos travaux. Et quand parmi ces titres à la justice vous aurez joint celui de votre propre suicide, où trouvera-t-on des justes qui puissent vous égaler ? On verra mieux alors combien vos malheurs ont droit à la vengeance. Mais sur qui pèsera cette vengeance, n’est-ce pas, de droit, sur ceux qui vous auront mis à mort ? Ainsi donc, c’est contre vous-mêmes que vous vous élèverez pour tirer vengeance de vous, pour vous punir vous-mêmes. Vous vous élèverez surtout, vous qui vous condamnez à de cruelles souffrances dans vos fournaises fermées avec tant de soin, afin que celui qui voudrait vous porter secours ne puisse entrer, et que celui qui voudrait échapper ne puisse sortir. Non, non, ils ne se lèveront pas avec une grande assurance ceux qui se lèveront avec une conscience aussi coupable. Mais peut-être allez-vous croire que Dieu vous pardonnera vos crimes, parce que vous vous faites justice à vous-mêmes ? C’est sans doute avec cette fausse conviction, que quelques-unes de vos religieuses, devenues mères, se précipitent du haut des rochers, et leur sein entr’ouvert révèle tout à la fois et le crime d’homicide et celui de fornication ; elles se flattent ainsi d’échapper à la vengeance de Dieu, parce qu’elles se font justice à elles-mêmes. Vous pensez également qu’en vous tuant vous offrez à Dieu l’expiation suffisante de tous les crimes que vous avez commis, de votre schisme sacrilège et de votre hérésie, de vos déprédations contre les catholiques, que vous mutilez, que vous privez de la vue, que vous tuez après les avoir sacrilègement rebaptisés. Mais vous êtes dans une profonde erreur, qui ne peut être comparée à l’erreur même de Judas. Est-ce que, pour mieux nous convaincre de l’apostasie de vos ancêtres, vous voudriez nous en donner une dernière preuve en imitant la mort de celui qui est resté le modèle de tous les traîtres ?

XLVII. C’est ainsi que vous affirmez aujourd’hui ce que vous avez obstinément nié au sein des débats de notre conférence. Les coupables avaient avoué leur apostasie, et cependant celui qui à cette époque occupait le premier siège en Numidie, Secundus de Tigisit, ferma les yeux sur leur crime, leur pardonna de nouveau à Cirté, malgré l’évidence de leur trahison, tandis qu’à Carthage il lança toutes ses foudres contre des absents dont les crimes étaient loin d’être prouvés. Secundus lui-même ne put se justifier du crime d’apostasie dont l’accusa Purpurius de Lima, en ces termes : « Vous-même, qu’avez-vous fait quand le procureur et le tribun vous sommèrent de livrer les Écritures ? Pour

  1. Sag. 5,1