ce qui regarde le don de la parole et de la science, ils avaient reçu toutes les grâces dans une telle abondance que néanmoins il se trouvait parmi eux des hommes qui ne croyaient pas encore à la résurrection des morts. Or, il me semble que ceux à qui il ne manquait aucune grâce ne portaient pas le joug avec ceux qui ne croyaient pas à la résurrection des morts. Et voilà de quelle manière les justes ne portent pas le joug avec les infidèles, quoique extérieurement ils ne fassent qu’une seule société avec eux, qu’ils soient sous l’autorité des mêmes prêtres, et qu’ils participent aux mêmes sacrements.
XXXV. L’Apôtre voulait assurément empêcher ceux qui croyaient à la résurrection des morts, de tomber dans l’infidélité ; cependant il ne leur ordonna point de se séparer corporellement. Ce qui le retint, c’est la multitude même des incrédules. Quand il ne s’agit que d’un seul incestueux, il le frappa plus librement des reproches les plus sanglants et même de l’excommunication [1]. Mais quand il s’agit de corriger et de guérir une multitude, c’est autre chose ; car alors il peut craindre qu’en séparant le peuple d’avec le peuple, il n’arrache le bon grain par le fait même de ce schisme criminel. Voilà pourquoi ceux qui croyaient à la résurrection des morts, l’Apôtre ne les sépare pas corporellement de ceux qui, dans le sein du même peuple, n’y croyaient pas encore. Mais d’un autre côté, il ne se lasse pas de leur imposer la séparation spirituelle, en leur disant : « Ne vous laissez pas séduire, car les conversations mauvaises corrompent les bonnes mœurs[2] ». Ce qu’il craint, ce n’est pas leur contact, mais leur consentement, de peur qu’ils n’en viennent à, accommoder leur foi à ces mauvaises conversations qui corrompent les bonnes mœurs. S’il leur ordonne de se séparer, c’est donc uniquement par les mœurs, et non par les autels. Enfin, avant que l’Apôtre leur écrivît, cette même église renfermait dans son sein, tout à la fois, et des hommes qui ne croyaient pas à la résurrection des morts, et des hommes à qui il ne manquait aucune grâce ; et cependant l’infidélité des uns ne souillait pas les autres, parce que ces derniers ne donnaient aucun consentement à cette infidélité. Et tel est le sens de cette défense qui est faite à chacun de ne pas toucher ce qui est impur dans là crainte de se souiller ; voilà dans quel sens il ne peut y avoir aucune participation de la lumière avec les ténèbres ; voilà comment les deux sortes de poissons peuvent nager dans les mêmes filets sans que la cause des uns préjuge la cause des autres, ou que là personne des uns préjuge la personne des autres.
XXXVI. Puisqu’il en est ainsi, dites vous-mêmes de quelle folie il faut être victime, à quel profond sommeil du cœur il faut être en proie pour ne pas comprendre que la cause de Cécilianus né peut pas préjuger la cause du monde catholique, avec lequel les Donatistes refusent d’être en communion, si la cause de Donat n’est pas préjugée par celle de Maximien ou plutôt par celle de Félicianus et de Primianus, depuis peu réconciliés ensemble, quand peu de temps auparavant ils s’étaient anathématisés réciproquement ? À la rigueur, il nous suffit de l’aveu que nous ont fait vos évêques, quand ils ont déclaré que les poissons mauvais, cachés sous les flots, ne souillent pas les pêcheurs qui ignorent leur présence. Il est vrai cependant qu’il n’est pas ici question des pêcheurs qui, dans la pensée du Sauveur, sont plutôt la figure des anges. Ce que l’on doit donc avant tout remarquer, c’est que, tout renfermés qu’ils sont dans les mêmes filets, les bons poissons ne peuvent être souillés par les mauvais. La Maison en est que ces poissons se voient les uns les autres, tandis que les pêcheurs ne peuvent les distinguer. Mais, comme je l’ai dit, il suffit, pour assurer la victoire à notre cause, que les méchants ne souillent pas, quand on ignore leurs mauvaises actions.
XXXVII. Du temps de Cécilianus, il s’est trouvé des hommes amis de la paix qui, tout persuadés qu’ils étaient de sa culpabilité, le tolérèrent sciemment pour le bien de l’unité catholique, par cette seule raison qu’ils le voyaient en communion de sacrements avec tant de nations inconnues, au sein desquelles l’unité se dilate avec une fécondité prodigieuse. Ils comprenaient, d’ailleurs, que jamais à ces nations ils ne pourraient faire connaître Cécilianus comme ils le connaissaient eux-mêmes. Et alors, contre toutes les calomnies dont on pourrait les charger à ce sujet, ils cherchaient à l’avance un abri assuré et protecteur dans ces paroles du bienheureux Cyprien : « La zizanie paraît exister