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LIVRE XXII. — BONHEUR DES SAINTS.

demandé cinquante oboles aux martyrs pour avoir un habit. Mais lui, continuant toujours son chemin sans rien dire, vit un grand poisson qui se débattait sur le rivage ; il le prit avec le secours de ces jeunes gens, et le vendit trois cents oboles à un cuisinier nommé Catose, chrétien zélé, à qui il raconta tout ce qui s’était passé. Il se disposait à acheter de la laine, afin que sa femme lui en fît tel habit qu’elle pourrait ; mais le cuisinier ayant ouvert le poisson, trouva dedans une bague d’or. Touché à la fois de compassion et de pieux effroi, il la porta à cet homme, en lui disant : Voilà comme les vingt Martyrs ont pris soin de vous vêtir.

L’évêque Projectus ayant apporté à Tibilis des reliques du très-glorieux martyr saint Étienne, il se fit autour du reliquaire un grand concours de peuple. Une femme aveugle des environs pria qu’on la menât à l’évêque qui portait ce sacré dépôt, et donna des fleurs pour les faire toucher aux reliques. Quand on les lui eut rendues, elle les porta à ses yeux, et recouvra tout d’un coup la vue. Tous ceux qui étaient présents furent surpris de ce miracle ; mais elle, d’un air d’allégresse, se mit à marcher la première devant eux et n’eut plus besoin de guide.

Lucillus, évêque de Sinite, ville voisine d’Hippone, portait en procession les reliques du même martyr, fort révéré en ce lieu. Une fistule, qui le faisait beaucoup souffrir et que son médecin était sur le point d’ouvrir, fut tout d’un coup guérie par l’effet de ce pieux fardeau ; car il n’en souffrit plus désormais.

Eucharius, prêtre d’Espagne, qui habitait à Calame[1], fut guéri d’une pierre, qui le tourmentait depuis longtemps, par les reliques du même martyr, que l’évêque Possidius[2] y apporta. Le même prêtre, étant en proie à une autre maladie qui le mit si bas qu’on le croyait mort et que déjà on lui avait lié les mains, revint par le secours du même martyr. On jeta sur les reliques sa robe de prêtre que l’on remit ensuite sur lui, et il fut rappelé à la vie.

Il y avait là un homme fort âgé, nommé Martial, le plus considérable de la ville, qui avait une grande aversion pour la religion chrétienne. Sa fille était chrétienne et son gendre avait été baptisé la même année. Ceux-ci le voyant malade, le conjurèrent en pleurant de se faire chrétien ; mais il refusa, et les chassa avec colère d’auprès de lui. Son gendre trouva à propos d’aller au tombeau de saint Etienne, pour demander à Dieu la conversion de son beau-père. Il pria avec beaucoup de ferveur, et, prenant quelques fleurs de l’autel, les mit sur la tête du malade, comme il était déjà nuit., Le vieillard s’endormit ; mais il n’était pas jour encore qu’il cria qu’on allât chercher l’évêque qui se trouvait alors avec moi à Hippone. À son défaut, il fit venir des prêtres, à qui il dit qu’il était chrétien, et qui le baptisèrent, au grand étonnement de fout le monde. Tant qu’il vécut, il eut toujours ces mots à la bouche : «Seigneur Jésus, recevez mon esprit » ; sans savoir que ces paroles, les dernières qu’il prononça, avaient été aussi les dernières paroles de saint Etienne, quand il fut lapidé par les Juifs.

Deux goutteux, l’un citoyen et l’autre étranger, furent aussi guéris par le même saint :

le premier fut guéri instantanément ; le second eut une révélation de ce qu’il devait faire, quand la douleur se ferait sentir ; il le fit et fut soulagé.

Audurus est une terre où il y a une église, et dans cette église une chapelle dédiée à saint Étienne. Il arriva par hasard que, pendant qu’un petit enfant jouait dans la cour, des bœufs qui traînaient un chariot, sortant de leur chemin, firent passer la roue sur lui et le tuèrent. Sa mère l’emporte et le place près du lieu consacré au saint ; or, non-seulement il recouvra la vie, mais il ne parut pas même qu’il eût été blessé.

Une religieuse qui demeurait à Caspalium, terre située dans les environs, étant fort malade et abandonnée des médecins, on porta sa robe à la même chapelle ; mais la religieuse mourut avant qu’on eût eu le temps de la rapporter. Cependant ses parents en couvrirent son corps inanimé, et aussitôt elle ressuscita et fut guérie.

À Hippone, un nommé Bassus, de Syrie, priait devant les reliques du saint martyr pour sa fille, dangereusement malade ; il avait apporté avec lui la robe de son enfant. Tout à coup ses gens accoururent pour lui annoncer qu’elle était morte. Mais quelques-uns de ses amis, qu’ils rencontrèrent en chemin, les empêchèrent de lui annoncer cette nouvelle,

  1. Sur Calame, voyez plus haut, livre xiv, ch. 24.
  2. Possidius, évêque de Calame, disciple et ami de saint Augustin dont il a écrit la vie.