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paix la plus grande qui puisse être. C’est cette paix dont nous jouirons à la fin et dont nous avons amplement parlé au livre précédent. Voilà le fleuve que le Seigneur détournera sur les bons, à qui il promet une si grande félicité, pour nous faire entendre que dans cette heureuse région, qui est le ciel, tous les désirs seront comblés par lui, Comme cette paix sera une source d’incorruptibilité et d’immortalité qui se répandra sur les corps mortels, il dit qu’il se détournera comme un fleuve sur eux, afin de se répandre d’en haut sur les choses les plus humbles et d’égaler les hommes aux anges. Et par la Jérusalem dont le Prophète parle, il ne faut point entendre celle qui est esclave, ainsi que ses enfants, mais au contraire, avec l’Apôtre, celle qui est libre et noire mère, et qui est éternelle dans les cieux[1], où nous serons consolés après les ennuis et les travaux de cette vie mortelle, et portés sur ses épaules et sur ses genoux comme de petits enfants. Nous serons, en quelque sorte, tout renouvelés pour une si grande félicité et pour les ineffables douceurs que nous goûterons dans son sein. Là nous verrons, et notre cœur se réjouira. Il ne dit point ce que nous verrons ; mais que sera-ce, sinon Dieu ? Alors s’accomplira en nous la promesse de l’Évangile : « Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu[2] ». Que sera-ce, sinon toutes ces choses que nous ne voyons point maintenant, mais que nous croyons, et dont l’idée que nous nous formons, selon la faible portée de notre esprit, est infiniment au-dessous de ce qu’elles sont réellement : « Vous verrez, dit-il, et votre cœur se réjouira ». Ici vous croyez, là vous verrez.

Quand il a dit : « Et votre cœur se réjouira », craignant que nous ne pensions que ces biens de la Jérusalem céleste ne regardent que l’esprit, il ajoute « Et vos os germeront comme l’herbe », où il nous rappelle la résurrection des corps, comme s’il reprenait ce qu’il avait omis de dire. Cette résurrection ne se fera pas, en effet, lorsque nous aurons vu ; mais au contraire, c’est quand elle sera accomplie que nous verrons. En effet, le Prophète avait déjà parlé auparavant d’un ciel nouveau et d’une terre nouvelle, aussi bien que des promesses faites aux saints : « Il y aura un ciel nouveau et une terre nouvelle ; et ils ne trouveront que des sujets de joie dans cet heureux séjour. Je ferai que Jérusalem ne soit plus qu’une fête éternelle, et mon peuple la joie même. Et Jérusalem fera tout mon plaisir, et mon peuple toutes mes délices. On n’y entendra plus de pleurs ni de gémissements[3] ». Puis vient le reste, que certains veulent faire rapporter au règne charnel des mille ans. Le Prophète mêle ici les expressions figurées avec les autres, afin que notre esprit s’exerce salutairement à y chercher un sens spirituel ; mais la paresse et l’ignorance s’arrêtent à la lettre, et ne vont pas plus loin. Pour revenir aux paroles du Prophète que nous avions commencé à expliquer, après avoir dit : « Et vos os germeront comme l’herbe », pour montrer qu’il ne parle que de la résurrection des bons, il ajoute : « Et l’on reconnaîtra la main du Seigneur envers ceux qui le servent ». Quelle est cette main, sinon celle qui distingue les hommes qui servent Dieu de ceux qui le méprisent ? Il parle ensuite de ces derniers dans les termes suivants : « Et il exécutera ses menaces contre les rebelles. Car voilà le Seigneur qui va venir comme un feu, et ses chariots seront comme la tempête, pour exercer sa vengeance dans sa colère, et donner tout en proie aux flammes. Car toute la terre sera jugée par le feu du Seigneur, et toute chair par son glaive, et plusieurs seront blessés par le Seigneur ». Par ces mots de feu, de tempête, et de glaive, il entend le supplice de l’enfer. Les chariots désignent le ministère des anges. Lorsqu’il dit que toute la terre et toute chair seront jugées par le feu du Seigneur et par son glaive, il faut excepter les saints et les spirituels, et n’y comprendre que les hommes terrestres et charnels, dont il est dit qu’ils ne goûtent que les choses de la terre[4], et que la sagesse selon la chair, c’est la mort[5] et enfin ceux que Dieu appelle chair, quand il dit : « Mon esprit ne demeurera plus parmi ceux-ci, parce qu’ils ne sont que chair[6] ». Quand il dit que « plusieurs seront blessés par le Seigneur », ces blessures doivent s’entendre de la seconde mort. Il est vrai qu’on peut prendre aussi en bonne part le feu, le glaive elles blessures. Notre-Seigneur dit lui-même qu’il est venu pour apporter le feu sur la terre[7].

  1. Gal. 4,26
  2. Mat. 5,8
  3. Isa. 65,17-16 sec. LXX.
  4. Phi. 3,19
  5. Rom. 8,6
  6. Gen. 6,3
  7. Luc. 12,49