Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XIII.djvu/462

Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’au jour du jugement, Sodome sera traitée moins rigoureusement que toi ». Il montre clairement par là que le jour du jugement doit arriver. Il dit encore ailleurs : « Les Ninivites s’élèveront, au jour du jugement, contre ce peuple et le condamneront, parce qu’ils ont fait pénitence à la prédication de Jonas, et qu’ici il y a plus que Jonas. La reine du Midi s’élèvera, au jour du jugement, contre ce peuple et le condamnera, parce qu’elle est venue des extrémités de la terre pour entendre la sagesse de Salomon, et qu’il y a ici plus que Salomon ». Ce passage nous apprend deux vérités : la première, que le jour du jugement viendra ; la seconde, que les morts ressusciteront en ce jour. Car en parlant des Ninivites et de la reine du Midi, Jésus parlait certainement d’hommes qui n’étaient plus, et il dit pourtant qu’ils revivront au jour du jugement. Et lorsqu’il dit qu’ils condamneront, ce n’est point qu’ils doivent juger eux-mêmes, mais c’est qu’en comparaison d’eux, les autres mériteront d’être condamnés.

Ailleurs, à propos du mélange des bons et des méchants en ce monde et de leur séparation au jour du jugement, il se sert de la parabole d’un champ semé de bon grain, où l’on répand de l’ivraie, et l’expliquant à ses disciples : « Celui qui sème le bon grain, dit-il, est le Fils de l’homme ; le champ, c’est le monde ; le bon grain, ce sont les enfants du royaume, et l’ivraie les enfants du diable ; l’ennemi qui l’a semée, c’est le diable ; la moisson, c’est la fin du monde ; les moissonneurs, ce sont les auges. Comme on amasse et comme on brûle l’ivraie, ainsi il sera fait à la fin du monde. Le Fils de l’homme enverra ses anges, et ils enlèveront de son royaume tous les scandales et tous ceux qui commettent l’iniquité, et ils les jetteront dans la fournaise ardente. Là il y aura des pleurs et des grincements de dents. Alors les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur père. Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende[1] ». Il est vrai qu’il ne nomme pas ici le jour du jugement ; mais il l’exprime bien plus clairement par les choses mêmes, et prédit qu’il arrivera à la fin du monde.

Il parle de même à ses disciples : « Je vous dis, en vérité, que vous qui m’avez suivi, lorsqu’au temps de la régénération le Fils de l’homme sera assis sur le trône de sa gloire, vous serez assis, vous également, sur douze trônes, et vous jugerez les douze tribus d’Israël[2] ». Ceci nous apprend que Jésus jugera avec ses disciples ; d’où vient qu’ailleurs il dit aux Juifs : « Si c’est au nom de Belzébuth que je chasse les démons, au nom de qui vos enfants les chassent-ils ? C’est pourquoi ils seront eux-mêmes vos juges ». Il ne faut point croire, parce que Jésus a parlé de douze trônes, qu’il ne jugera qu’avec douze disciples. Le nombre douze doit s’entendre comme exprimant la multitude de ceux qui jugeront avec lui, à cause du nombre sept qui marque d’ordinaire une grande multitude, et dont les deux parties, trois et quatre, multipliées l’une par l’autre, donnent douze. En effet, quatre fois trois et trois fois quatre font douze ; sans parler des autres raisons qui expliquent le choix de ce nombre. Autrement, comme l’apôtre Mathias a été mis à la place du traître Judas[3], il s’ensuivrait que l’apôtre saint Paul, qui a plus travaillé qu’eux tous[4], n’aurait point de trône pour juger. Or, il témoigne assez lui-même qu’il sera du nombre des juges, quand il dit : « Ne savez-vous pas que nous jugerons les anges[5] ? » Il faut entendre dans le même sens le nombre douze appliqué à ceux qui seront jugés. Car bien qu’il ne soit question que des douze tribus d’Israël, il ne s’ensuit pas que Dieu ne jugera pas la tribu de Lévi, qui est la treizième, ni qu’il jugera le peuple d’Israël seul, et non les autres nations. Quant à la régénération dont il s’agit, nul doute qu’elle ne doive s’entendre de la résurrection des morts. Notre chair, en effet, sera régénérée par la foi.

Je laisse de côté beaucoup d’autres passages qui semblent faire allusion au dernier jugement, mais qui, considérés de près, se trouvent ambigus ou relatifs à un autre sujet, par exemple à cet avènement du Sauveur qui se fait tous les jours dans son Église (c’est-à-dire dans ses membres, où il se manifeste partiellement et peu à peu, parce que l’Église entière est son corps), ou bien à la destruction de la Jérusalem terrestre, dont il est parlé comme s’il s’agissait de la fin du monde et du jour de ce grand et dernier jugement. Ainsi on ne saurait entendre clairement ces passages,

  1. Mat. 13,52. — Matt. 11,22,24
  2. Mat. 19,28
  3. Act. 1,26
  4. 1Co. 15,10
  5. 1Co. 6,3