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apprendre quelque chose d’important, puisqu’il mérite qu’on en fasse mystère, et ils avalent avec plus de plaisir une folie qu’ils considèrent comme une science dont ils dérobent en quelque sorte la connaissance prohibée.
3. Ainsi la science des arts magiques rend ses abominables rites eux-mêmes recommandables aux hommes qu’elle a séduits ou qu’elle veut séduire par une curiosité sacrilège. De là ces divinations illicites par l’inspection des entrailles des animaux qu’ils égorgent, par les cris et le vol des oiseaux, ou par d’autres signes de toute espèce que les démons leur enseignent et dont ces hommes perdus chatouillent les oreilles de ceux qu’ils veulent perdre. C’est à cause de ces mystères illicites et répréhensibles que cette femme est appelée non seulement insensée, mais encore audacieuse. Car ces choses sont étrangères non seulement à la réalité, mais au nom même de notre religion. Que dire donc de cette femme insensée et audacieuse qui, sous le nom de Christianisme, a produit tant de détestables hérésies et imaginé tant de fables impies ? Plût à Dieu que ces fables fussent de même nature que celles qu’on représente sur le théâtre par le chant, par la danse ou par une mimique bouffonne. Si seulement ce qu’ils ont pu imaginer contre Dieu n’était point de caractère à nous empêcher de savoir s’il faut plaindre leur folie ou admirer leur audace ! Or, tous les hérétiques, même les plus insensés, veulent garder le nom de chrétiens, et pour colorer l’audace de leurs impostures, dont le sentiment humain a horreur, ils se servent de ce passage de l’Évangile, où le Seigneur dit : « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez les porter maintenant » ; comme si c’était leur doctrine que les disciples ne pouvaient porter alors et que le Saint-Esprit eût enseigné ces choses que l’Esprit immonde, malgré son audace, n’ose pas enseigner et prêcher ouvertement.
4. Ce sont ces hérétiques que l’Apôtre, éclairé du Saint-Esprit, voyait à l’avance et dont il a dit : « Car un temps viendra où ils ne souffriront point la saine doctrine, mais ils assembleront des maîtres selon leurs désirs, qui chatouilleront leurs oreilles ; et ils détourneront leur attention de la vérité, et ils se tourneront vers les fables[1] ». Ce souvenir de mystère et de larcin, amené par ces mots : « Prenez avec plaisir des pains cachés et goûtez la douceur des eaux dérobées », fait naître dans l’oreille de ceux qui tombent dans la fornication spirituelle, une démangeaison pareille au prurit voluptueux qui fait perdre dans la chair l’intégrité de la chasteté. Écoute l’Apôtre, voici comme il prévoyait ces choses et nous conseillait sage ment de les éviter : « Evitez », dit-il, « les paroles nouvelles et profanes ; car elles conduisent bien loin dans l’impiété, et leur doctrine s’étend comme un chancre [2] ». Et il ne dit pas : les paroles nouvelles ; mais il ajoute : « et profanes ». Car il y a des paroles nouvelles qui conviennent à la doctrine de la religion. Ainsi peut-on dire qu’il en a été du nom de chrétiens, quand il a commencé à s’établir : Ce fut à Antioche que les disciples, après l’ascension du Seigneur, furent pour la première fois appelés chrétiens ; c’est ce que nous apprennent les Actes des Apôtres [3]. Les hôpitaux et les monastères furent dans la suite appelés de noms nouveaux ; mais les choses elles-mêmes existaient avant les noms ; elles s’appuient sur la vérité de la religion, qui nous aide à les défendre contre les méchants. Contre l’impiété des hérétiques ariens on a formé le nom de consubstantiel (homousion) au Père ; mais par ce nom on n’a pas désigné une chose nouvelle. On appelle, en effet, consubstantiel, ce qui est d’une seule et même substance : « Le Père et moi, nous sommes une seule chose [4] ». De fait, si toute nouveauté était profane, le Seigneur n’aurait pas dit : « Je vous donne un commandement nouveau [5] » ; son Testament ne serait pas appelé nouveau, et par toute la terre on ne chanterait pas un cantique nouveau. Mais les nouveautés profanes, ce sont les paroles que dit cette femme insensée et audacieuse : « Prenez avec plaisir des pains cachés, et goûtez la douceur des eaux dérobées ». L’Apôtre nous prémunit contre ces promesses de fausse science, lorsqu’il dit : « O Timothée, garde le dépôt en évitant les nouveautés profanes de paroles et les contradictions d’une science faussement nommée science. Quelques-uns l’ayant promise, se sont écartés de la foi [6] ». Car ces hérétiques n’aiment rien tant que promettre la science

  1. 2 Tim. 4, 3-4
  2. 2 Tim. 2, 16, 17
  3. Act. 11, 26
  4. Jn. 10, 30
  5. Id. 13, 34
  6. 1 Tim. 6, 20