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Aujourd’hui encore, on nous a lu le fait de son apparition à deux de ses disciples, pendant qu’ils faisaient route : « Ils marchaient avec lui et ne le reconnaissaient pas ; car leurs yeux étaient fermés, afin qu’ils ne pussent le reconnaître ». Il attendait, pour se manifester, à eux le moment de la fraction du pain. Car il marcha avec eux, et ils lui offrirent un gîte ; alors, il bénit le pain et le rompit, et ils le reconnurent. C’est ainsi que vous reconnaissez aussi le Christ, ô vous qui croyez en lui. Mais que votre charité remarque bien aussi quels hommes étaient tous les disciples du Sauveur avant la résurrection. Qu’ils me pardonnent : ils n’étaient pas encore fidèles. Plus tard, ils sont devenus grands ; mais alors ils ne nous valaient même pas. En effet, nous croyons que le Christ est ressuscité, et eux ne le croyaient pas encore ; mais, dans la suite, ils l’ont vu, ils l’ont touché et palpé avec leurs yeux et leurs mains ; c’est par là que la loi leur est venue et que les saintes Écritures ont affermi leurs cœurs. Ils ont bu à la source de la vérité ; aussi nous ont-ils donné de leur surabondance et nous en ont-ils remplis.

3. Les disciples s’entretenaient donc ensemble et se désolaient de la mort du Christ, comme s’il eût été un homme ordinaire : tout-à-coup, Jésus leur apparut, se joignant à eux comme troisième et leur demanda le sujet de leur conversation : « Tu es le seul étranger à Jérusalem », lui répondirent-ils, « pour ignorer ce qui vient de s’y passer en ces jours, et comme les princes des prêtres ont fait mourir Jésus qui était un grand Prophète ?[1] » O disciples, où était le Dieu ? N’était-ce déjà plus qu’un prophète ? Est-ce que le Christ n’était pas l’oracle qui a inspiré tous les Prophètes ? Voyez, mes frères, comme les disciples avaient cru d’abord, mais comme, par l’effet du découragement qu’ils avaient éprouvé en voyant mourir le Christ, ils en étaient revenus à parler de lui à la manière des gens qui ne le connaissaient pas. Vous vous en souvenez, mes très-chers frères, le Sauveur fit un jour cette question à ses disciples : « Que dit-on du Fils de l’homme ? « Qu’est-ce que les hommes pensent de moi[2] ? » Aussitôt, et sans faire mention de leur foi personnelle, ils lui citèrent les paroles et les opinions des autres : « Les uns disent : C’est Jean-Baptiste ; les autres ? Élie ; les autres, Jérémie ou l’un des Prophètes[3] ». Voilà où en sont revenus les disciples : ils ont perdu leur propre foi et se sont rangés à l’opinion des autres. « Il était un prophète ». En parlant de la sorte, ils, s’exprimaient comme des étrangers à l’égard du Christ. Et les Apôtres, qu’ont-ils dit ? A cette question du Sauveur : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? Simon Pierre répondit : Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant. Et Jésus lui dit : Tu es bienheureux, fils de Jona, car la chair et le sang ne t’ont point révélé ceci[4] », comme cela a eu lieu pour ceux qui voient en moi un prophète, « mais mon Père, qui est dans les cieux. Et, moi, je te dirai : Tu es Pierre ». Tu m’as dit une chose, moi je t’en dirai une autre ; tu m’as rendu hommage en proclamant ce que je suis : écoute-moi, je vais te bénir. Le Sauveur avait parlé de la partie moindre de lui-même, et Pierre avait parlé de ce qui était plus grand en lui. En Notre-Seigneur Jésus-Christ, ce qui était moindre, c’était sa qualité de Fils de l’homme ; et ce qui était plus grand, c’était sa qualité de Fils de Dieu. Celui qui s’est humilié a parlé de ce qui était moindre ; et celui qui a été honoré par le Christ a parlé de ce qui était plus grand. « Je bâtirai », dit le Sauveur, « mon Église sur cette pierre[5] », sur cette profession de foi, sur ces paroles que tu viens de prononcer : « Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant, je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle[6] ». Les portes de l’enfer avaient prévalu contre les disciples d’Emmaüs, mais elles avaient respecté Pierre ; elles étaient, devant lui, tombées en poussière. Seigneur, venez au secours de vos disciples ; rompez le pain, afin qu’ils puissent vous reconnaître. Si vous ne les recueillez point, c’en est fini d’eux. Comment les avez-vous interrogés ? Voilà que vos disciples disent que vous êtes un prophète !

4. Alors Jésus leur ouvrit le sens des Écritures, en raison de ce qu’ils lui avaient dit dans leur désolation : « Pour nous, nous espérions qu’il délivrerait Israël[7] ». O disciples, vous espériez, et vous n’espérez déjà plus ? Viens, larron, viens instruire les disciples du Christ. Pourquoi désespérez-vous ? Parce que

  1. Luc. 24, 18
  2. Mat. 16, 13
  3. Mat. 16, 14
  4. Id. 15-18
  5. Id
  6. Id
  7. Luc. 24, 21