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CINQUANTE-SEPTIÈME SERMON.
POUR LE JOUR DE PÂQUES. III

ANALYSE. —1. En raison de la difficulté du sujet, l’orateur s’épouvante de parler de la résurrection du Christ. —2. Par sa résurrection, le Christ nous confère le privilège de ressusciter comme lui. L’orateur le compare au phénix et au grain de froment. —3. En ressuscitant, le Christ, lion et lionceau, nous invite à ressusciter comme lui. —4. Élisée a préfiguré la résurrection du Christ, quand ses ossements ont rendu la vie à un mort. —5. Dans la circonstance où il a ressuscité le fils de la Sunamite, le même Prophète symbolisait le Christ, son bâton était l’emblème de la Loi, Giési représentait Moïse. —6. Il nous faut célébrer la fête de Pâques dans les élans d’une joie, non pas mondaine, mais toute sainte, et, surtout par le renouvellement de notre vie. —7. Le mode usité chez les Juifs, pour la célébration de la Pâque, était l’image de la manière dont les chrétiens doivent la solenniser. —8. En fêtant ainsi ce grand mystère, nous mériterons d’entrer dans le royaume des cieux.

1. Aujourd’hui, l’univers entier a vu se lever tout radieux le soleil de la vénérable solennité qui nous rappelle la résurrection du Sauveur ; pas n’est besoin du secours de nos paroles, pour que vous en compreniez la dignité et la grandeur, car les autres fêtes ne revêtent point le même caractère : ce n’est pas seulement en un lieu ou en quelques lieux du monde, ce n’est pas dans les sentiments d’une allégresse circonscrite en certaines bornes étroites, que celle-ci doit se célébrer ; je la vois s’étendre jusqu’aux limites les plus reculées ; elle comprend et elle embrasse tous les pays, et la joie qu’elle inspire devient commune au ciel, à la terre et aux enfers. Elle n’a donc, comme nous l’avons dit, aucun besoin d’être recommandée par une langue humaine, puisqu’elle se recommande d’elle-même par la puissance d’en haut, dont elle est la plus haute expression. Les esprits bienheureux l’exaltent dans leurs cantiques : devant sa grandeur, l’homme n’a donc qu’à se taire. Pourtant, nous ne voulons point priver de la parole divine cette sainte multitude ; sa dévotion, sa foi vive, son empressement nous font un devoir de la lui adresser : nous allons donc essayer de bégayer quelques mots au sujet de cette solennité ; car si nous sommes à même de nous extasier au spectacle de sa majestueuse dignité, il nous est impossible d’en rien dire qui soit digne d’elle.

2. Le Christ est ressuscité en ce jour : que le monde entier se réjouisse ! N’est-il pas juste, en effet, qu’après avoir gémi profondément de la mort de leur Créateur et fait retentir, de leurs cris de douleur tous les échos de l’univers, toutes les créatures se réjouissent de sa résurrection ? Celles qui, malgré leur chagrin, avaient dît assister aux funérailles du divin Crucifié, ne devaient-elles pas également assister à la joyeuse résurrection du Christ et à son triomphal retour des enfers ? La résurrection de l’humanité du Christ a détruit cette antique malédiction, cette déplorable sentence de mort, attirée par Adam sur toute sa race : « Tu es terre et tu retourneras en terre[1] ». Du milieu de ses cendres est sorti vivant le corps du Phénix que des mains pieuses avaient consumé avec le bois de cinnamome : le grain de froment, qui, après les souffrances de la croix, a été jeté en terre pour y mourir et y est demeuré seul, a porté beaucoup de fruit par sa résurrection[2]. Il a été seul pour mourir, mais il s’en faut de beaucoup qu’il ait été seul à ressusciter : car, en descendant aux enfers, il en a brisé les portes ; il a triomphé de celui qui avait l’empire de la mort ; tous les fidèles qu’il a trouvés dans les lieux souterrains, il les a ramenés en triomphe, et après avoir ainsi vidé cette ténébreuse prison, il est ressuscité avec la multitude des saints. Tous

  1. Gen. 3, 19
  2. Jn. 12, 24 et suiv