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nous marquant du sang du Christ ; ainsi passera, sans nous nuire, celui qui ravage le monde ; ainsi la mort, qui doit faire tant de victimes, nous épargnera. Ceux-là sont épargnés par le démon, ceux-là échappent à ses coups, devant lesquels il ne s’arrête pas ; car le sang du Christ une fois placé sur une âme, les innombrables gouttes de pluie que le diable répand sur le monde ne peuvent ni humecter ni délecter cette âme. Puissions-nous donc nous trouver ainsi imbibés du sang du Christ, c’est-à-dire marqués du signe de sa mort ! Ce signe reste parfaitement imprimé sur nous, aussi longtemps que nous mourons et que nous vivons pour celui qui est mort pour nous. Le sang du Christ rejaillit, en quelque sorte, sur trous, quand nous portons sa mort en nous[1], de manière à ne jamais le laisser effacer par la pluie des passions humaines ou par l’eau torrentielle des persécutions du siècle. Que ce sang sèche donc sur nous, qu’il en devienne à jamais inséparable ; qu’il se répande sur nous et nous teigne : que non-seulement il nous teigne, mais nous purifie encore, après qu’il nous aura fait mourir au monde. Le Dieu qui a imprimé le signe de sa croix sur tous nos membres, peut les purifier toujours. C’est par là que nous pourrons nous réunir aux élus dans le ciel, moyennant le secours de celui qui vit et règne, avec le Père et le Saint-Esprit, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

CINQUANTE QUATRIÈME SERMON.
POUR PÂQUES[2].

ANALYSE. —1. Ce discours s’adresse à tous mais particulièrement à ceux qui sont nouvellement baptisés, pour les exciter à résister aux vices. —2. L’orateur attaque le péché de la chair. —3. Il faut s’en corriger au plus vite.

1. Je dois, sans doute, ma parole à tous ceux dont il me faut prendre soin en vertu de ma charge ; mais aujourd’hui que les saintes cérémonies du baptême sont terminées, elle s’adresse plus particulièrement à vous, jeunes arbustes nouvellement plantés dans le champ de la sainteté et régénérés dans l’eau et le Saint-Esprit, à vous, race pieuse, essaim, qui faites l’éclat de ma gloire, qui êtes le fruit béni de mes travaux, ma joie et ma couronne ; vous tous qui êtes maintenant dans la grâce du Seigneur, c’est à vous que je parle, pour vous dire comme l’Apôtre « La nuit est déjà avancée, et le jour s’approche. Quittez donc les œuvres de ténèbres, et revêtez-vous des armes de lumière. Marchez dans la décence comme devant le jour, et non dans la débauche et dans les festins, dans les impudicités et dans les dissolutions, dans les querelles et dans les jalousies ; mais revêtez-vous de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et ne cherchez point à contenter les désirs de la chair[3] ». « Vous tous qui avez été baptisés en Jésus-Christ, vous vous êtes revêtus de Jésus-Christ[4] », afin de mener la vie que vous avez puisée dans le sacrement. Si vous êtes les membres du Christ, si vous pensez à ce que vous êtes devenus, vous vous écrierez du fond de vos entrailles : « Seigneur, qui est-ce qui est semblable à vous ?[5] » Car, la faveur qu’il vous a faite surpasse toute pensée humaine. Tout discours, tout sentiment n’est-il pas, en effet, incapable de vous faire comprendre comment une grâce toute gratuite a pu se produire en – vous, sans aucun mérite antécédent de votre part ? Car on nomme ainsi la grâce, précisément parce qu’elle vous a été

  1. 2Co. 4, 10
  2. Voir le sermon CCXXIV.
  3. Rom. 13, 12
  4. Gal. 3, 27
  5. Psa. 34, 10