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TRENTE-SIXIÈME SERMON.
POUR L’ÉPIPHANIE DU SAUVEUR. I

ANALYSE. —1. Le Christ, figuré par les signes donnés à Gédéon, a apparu aux Gentils. —2. Gloire de Marie qui a mis au monde l’Agneau sans tache.—3. En oignant la pierre, Jacob nous a tracé une figure du Christ. —4. Il nous a aussi symbolisé, la Trinité dans les branches qu’il a placées sous les yeux de ses brebis. —5. Unité du baptême et ses effets.—6. Combien notre temps est préférable à celui de Jacob. – 7. Conclusion en formé d’exhortation.

1. À proprement parler, le jour de l’Épiphanie, mes bien-aimés frères, a été fait pour nous, c’est-à-dire pour les Gentils. Le ciel lui-même nous l’a annoncé, suivant cette expression du dix-huitième psaume : « Les cieux racontent la gloire de Dieu, et le firmament annonce l’œuvre de ses mains[1] ». Voilà aussi pourquoi s’est accomplie pour la gentilité cette promesse du Prophète : « Le peuple des Gentils, qui marchait dans les ténèbres, a vu une grande lumière, et le jour s’est levé sur ceux qui habitaient la région des ombres de la mort[2] ». En effet, le peuple des Gentils, c’est-à-dire notre peuple, plongé dans les ténèbres de ses iniquités, serait demeuré dans l’aveuglement de l’esprit, si la lumière de la grâce n’avait projeté d’en haut, sur ces ingrats, l’éclat de ses rayons. Partout et toujours, Dieu se montre admirable. Nos âmes étaient dépourvues de justice ; c’étaient, à vrai dire, des grains de poussière desséchés. Par un prodige renouvelé de Gédéon, le Seigneur a donc fait descendre son Verbe divin, comme une rosée céleste, sur la toison d’une brebis, dans le sein de la Vierge très-pure. Vous savez tous le miracle opéré sous les yeux de Gédéon : son aire était toute desséchée, et, néanmoins, une toison de brebis, étendue au milieu de cette aire, se trouva tellement humide qu’il en fit couler la rosée. Un prodige plus admirable s’est opéré en Marie, de son sein, comme d’une toison de laine, s’est échappé du lait, et pourtant son corps virginal, pareil à une aire desséchée, ne s’est jamais humecté au contact d’un homme.

2. Marie est donc unique parmi toutes les jeunes filles, elle est incomparable à toutes autres par son innocence. Pareille à une brebis, elle a engendré l’Agneau sans tache, et il est sorti de ses entrailles comme jadis la rosée est tombée de la toison de Gédéon ; c’est cet Agneau que les anges ont annoncé, que les bergers ont serré dans leurs bras, que l’étoile a montré ; et sa mère, la Vierge féconde, a fait trembler Hérode au milieu de ses richesses ; elle a reçu les adorations et les présents des Mages. Puisque nous avons comparé la chaste Marie à une sainte brebis, nous avons aussi donné à son Fils le nom d’Agneau sans tache ; l’Évangile de Jean nous y a d’ailleurs autorisé, car nous y lisons ces paroles : « Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui ôte les péchés du monde[3] ».

3. C’est à vous, saint homme Jacob, c’est à vous que je vais m’adresser : à l’âge de vingt ans vous étiez un berger digne de louanges et vous êtes devenu pour nous l’image du Dieu pasteur, de l’Agneau sans tache que nous devons adorer. Saint Jacob, je vous en prie instamment, dites-nous, vous si petit et si grand tout à la fois, dites-nous pourquoi et comment vous avez aperçu en songe cette échelle mystérieuse qui allait jusqu’au ciel et au sommet de laquelle se trouvait couché l’Agneau virginal ? Pourquoi et comment vous avez reconnu cet Agneau ? Pourquoi et comment, à votre réveil, vous avez dressé et consacré la pierre sur laquelle votre tête avait reposé ? En tout cela, je le vois, vous nous avez annoncé le mystère de

  1. Psa. 18, 1
  2. Isa. 9, 2
  3. Jn. 1,29-36