TRENTE-TROISIÈME SERMON. POUR LA NATIVITÉ DU SAUVEUR. XIII
ANALYSE. —1. Un aliment spirituel est indispensable à notre âme pour acquérir la vie éternelle : c’est pour nous la procurer que Dieu nous a donné la loi et les Prophètes, et que le Christ s’est fait homme. —2. Combien la venue du Christ était nécessaire à la délivrance de l’homme. —3. En s’incarnant, le Christ nous a apporté le salut. —4. Ce n’est pas sans un admirable mystère que nous connaissons la venue du Christ en ce monde.—5. Réfutation des objections faites par les infidèles contre l’incarnation de Dieu.
1. Mes très-chers frères, c’est avec raison et pour notre plus grand bien qu’on nous fait lecture des paroles divines, car elles sont l’aliment de notre âme. « Car l’homme chrétien ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu[1] ». Comme nous avons, chaque jour, besoin d’aliments matériels pour sustenter la vie de notre corps, ainsi nous faut-il une nourriture spirituelle pour parvenir à la vie éternelle. En effet, si tant de personnes affectionnent cette vie terrestre en dépit des dangers et des peines dont elle se trouve comme hérissée, combien plus vivement doit-on aimer la vie céleste et sans fin que nous partagerons plus tard avec les anges ; car le Sauveur a dit : « A la résurrection des morts, ils ne se marieront pas et ne prendront pas de femmes, mais ils seront semblables aux anges ?[2] » C’est en vue de cette vie éternelle due Dieu a donné sa loi et choisi les Patriarches, que les prêtres et les lévites ont reçu l’onction du chrême, que les Prophètes sont venus, que les anges ont été envoyés, qu’enfin le Seigneur, Fils de Dieu, est lui-même descendu des cieux sur la terre et a rétabli en nous son image. De là nous devons conclure quelle impérieuse nécessité il y avait pour nous que la souveraine Majesté se revêtît de notre chair mortelle.
2. Pouvait-il y avoir pour cela un motif plus pressant que celui de notre mort éternelle ? Pouvions-nous éprouver un châtiment plus cruel, que la servitude du péché ? Quel supplice plus insupportable que notre captivité éternelle ? Nous portions les entraves de la mort, nous étions plongés dans l’esclavage et la sujétion la plus dure. Où se trouve la preuve de notre mort éternelle ? Dans les paroles de l’Apôtre ; écoute-le : « Depuis Adam jusqu’à Moïse, la mort a régné sur ceux-là mêmes qui n’avaient point péché[3] ». Par quel moyen établir la preuve de notre captivité ? Par les plaintes des martyrs, qui s’exhalent jusque dans les psaumes : « Seigneur, comme le vent du midi rompt les glaces des torrents, ainsi brisez nos fers[4] ». La captivité imposée par des ennemis barbares est, certes, bien cruelle, bien féconde en amertumes ! Et, pourtant, on peut s’y soustraire par la fuite, s’y dérober par une somme d’argent ; en tout cas, la mort lui sert de terme. S’il en est ainsi d’elle, que sera-ce de la captivité éternelle, qui ne finira point par la mort, mais qui, au contraire, sera, dans les abîmes éternels, la source d’intolérables douleurs ?
3. Donc, mes frères, des motifs impérieux de tous genres exigeaient que Notre-Seigneur Jésus-Christ vînt dans le temps sur la terre. Aussi, en se revêtant de notre humanité, nous a-t-il arrachés à la mort pour nous rendre à la vie ; il nous a délivrés de la servitude et nous a rendu la liberté ; il â brisé les chaînes par lesquelles les démons nous retenaient captifs, et nous sommes rentrés en possession de l’adoption des enfants ; car, a dit le Prophète, « il est monté au plus haut des cieux,