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VINGT-TROISIÈME SERMON. POUR LA NATIVITÉ DU SEIGNEUR. III

ANALYSE. —1. Au sujet de l’éternité du verbe il faut choisir entre Jean et Arius. —2. Saint Paul affirme sa divinité. —3. Immuable en lui-même, Dieu se manifeste à ses serviteurs, tantôt d’une manière, tantôt d’une autre. —4. Il ne faut pas toujours entendre selon la lettre les paroles de l’Écriture. —5. Funestes conséquences d’une interprétation par trop littérale. —6. Les Ariens nous représentent le Père comme sujet au changement et à l’imperfection. —7. L’orgueilleux arien rencontre encore ici un adversaire dans l’apôtre Paul. —8. Le Verbe n’infirme nullement sa propre divinité en disant que le Père est plus grand que lui, et en se proclamant le Fils de l’homme.


1. Je vais attaquer Goliath, il me faut donc prendre ma houlette pastorale, et, comme le bienheureux David, choisir trois pierres dans le lit du torrent. Arien, que fais-tu ? Tu oses dire : Le Fils de Dieu n’était pas, et Dieu était ? Mais l’Évangéliste sacré te contredit, puisqu’il s’écrie : « Au commencement était le Verbe ». Après avoir dit : « Il était », il ajoute : « Il était ». Car voici la suite : « Et le Verbe était en Dieu ». Non content d’avoir proféré deux fois ce mot : « Il était », il le prononce une troisième fois, en disant : « Et le Verbe était Dieu[1] ». Et parce qu’aux quatre coins du monde on devait, par la prédication, opposer la vérité à l’erreur, l’Apôtre affirme une quatrième fois qu’ « il était », en ajoutant : « Il était au commencement en Dieu[2] ». Arius dit une seule fois : Il n’était pas ; mais Jean dit quatre fois : « Il était, Il était, Il était, « Il était ». Maintenant, que faire ? Il faut nécessairement nous ranger à la parole de l’un des deux, et répudier l’autre. Si nous croyons au dire d’Arius, nous encourons la colère de Jean, et si nous marchons sur les pas de Jean, Arius s’offensera de notre désertion. Toutefois, comme, pour nous tenir le langage qu’il nous tient, Jean a reçu les enseignements du Christ et qu’Arius a puisé son système dans les leçons d’Aristote, suivons tous le disciple du Christ et laissons là l’élève d’Aristote.


2. Cependant, ô Arien, dis-nous quelle raison fa porté à prétendre que le Christ est une créature ? Parles-tu ainsi parce que, étant né d’une Vierge, on l’a vu sur la terre au milieu des hommes, ou parce que le Père nous le montre lui-même assis dans les cieux au rang des immortels ? Si c’est parce qu’il est le fils de la Vierge, je te dirai que Dieu ne peut s’appeler créature ; car il est le Créateur, et il s’est revêtu seulement de sa créature. En effet, s’il a apparu ici-bas, ce n’est point comme un véritable esclave au milieu de compagnons d’esclavage ; mais, étant Dieu, « il a pris la forme d’esclave », afin de pouvoir entrer en société avec des hommes réduits à l’état de servitude. Si. l’utilité de la république exige qu’il se cache dans la foule de ses sujets, l’empereur ne pourra le faire qu’en ôtant son diadème, en se dépouillant de son manteau de pourpre, en se revêtant de l’ordinaire livrée du peuple. Nous employons cette comparaison pour expliquer l’avènement passé de notre Roi. Voilà comment l’apôtre Paul, notre maître, continue à développer sa pensée : « parce qu’ayant la nature de Dieu, il n’a point cru que ce fût pour lui une usurpation que de s’égaler à Dieu[3] ». Qu’en dis-tu, Arien ? Cette phrase ajoutée par l’Apôtre casse les bras à ton Aristote. Paul dit le Verbe égal à Dieu ; suivant toi, il lui est inférieur. Au dire de Jean, « Il était » ; à t’entendre, Il n’était pas. Mais poursuivons notre tâche : « Il n’a pas cru[4] », dit Paul, « que ce fût pour lui une usurpation de s’égaler à Dieu ; mais il s’est anéanti lui-même en prenant la forme d’esclave[5] ». Nous, qui sommes catholiques, attachons-nous inviolablement à ces deux points de doctrine : ainsi pourrons

  1. Jn. 1, 1
  2. Id. 2.
  3. Phi. 2, 7
  4. Id. 6
  5. Ibid, 7.