qu’ils demandaient là n’était rien en comparaison de ce qu’ils auraient pu demander, le Sauveur leur fit aussitôt cette réponse : « Vous ne savez ce que vous demandez ». Car les avantages de la terre et du temps doivent être regardés comme rien, si on les compare au bonheur éternel. Jusqu’alors les Apôtres s’étaient donc montrés lents à solliciter les biens de l’autre vie ; aussi le Sauveur les presse-t-il vivement de les lui demander : « Demandez », leur dit-il, et pour qu’ils ne doutent nullement de la réussite de leur prière, il ajoute à bon droit : « Et vous recevrez ».
7. Mais que devaient-ils principalement demander ? Le Sauveur le leur fait connaître par ces paroles : « Que votre joie soit entière[1] ». Voici l’ordre dans lequel la phrase doit être construite : Demandez que votre joie soit entière, et vous obtiendrez. D’après ce passage, il nous est facile de voir que, dans notre prière, nous ne devons solliciter ni de l’or, ni de l’argent, ni les richesses de ce monde, ni de longs jours ici-bas, mais la vie éternelle et tout ce qui peut nous y conduire, c’est-à-dire les perfections de l’âme. Une joie entière et parfaite ne peut se rencontrer sur la terre, car la fragilité des choses et leur vicissitude nous y exposent à de tels changements, que nous ne pouvons même nous flatter d’être, une heure durant, en possession du bonheur. En ce monde, la joie fait subitement place à la tristesse, le plaisir à la douleur, la santé à la maladie, une large aisance à une pauvreté extrême, la prospérité au malheur, la jeunesse à la décrépitude, la rie à la mort. Si le Sauveur nous dit : « Demandez et vous recevrez, afin que votre joie soit entière », il nous engage donc à demander la possession de cette vie toute privilégiée et bienheureuse au sein de laquelle la tristesse ne viendra jamais troubler nos joies, où notre bonheur ne sera empoisonné par aucun tourment, où notre tranquillité se verra à l’abri de la crainte, où, enfin, notre existence n’aura pas à redouter les coups de la mort. Tous ceux qui obtiendront d’y entrer « vivront a dans l’allégresse et le ravissement ; la douleur et les gémissements fuiront à jamais « de leur cœur[2] ». Il en sera ainsi quand s’accomplira ce que le Sauveur a promis en disant : « Je vous verrai de nouveau, et votre cœur se réjouira, et nul ne vous ravira votre joie[3] ». Cette vie éternelle faisait l’objet des désirs du Prophète. Ne disait-il pas en effet « J’ai demandé une chose au Seigneur, et je la lui demanderai encore, d’habiter dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie, pour y contempler la beauté du Seigneur, pour visiter son sanctuaire ?[4] » Et encore : « Je suis sûr de voir les biens du Seigneur dans la terre des vivants[5] ? »
8. « Je vous ai dit ces choses en paraboles. « L’heure vient où je ne vous parlerai plus en paraboles, mais où je vous parlerai ouvertement de mon Père[6] ». Par paraboles, on entend des comparaisons nécessairement employées dans l’intérêt des auditeurs, pour leur donner l’intelligence de certaines pensées plus difficiles à saisir que les autres : au moyen de ces comparaisons, on peut se faire une idée des choses invisibles, en entendant parler de choses visibles. De là est venu qu’on a donné à un livre de Salomon le nom de livre des proverbes ; car, à l’aide de certaines similitudes, il porte les enfants, malgré leur ignorance, à apprendre les règles de la sagesse. Si donc le Sauveur dit à ses disciples qu’il leur a parlé en paraboles, c’est qu’il a commencé par se mettre à la portée de leur faiblesse, en se servant, dans ses discours, de comparaisons destinées à leur faire plus aisément saisir le mystère du royaume des cieux. L’évangéliste Matthieu nous atteste expressément ses habitudes sous ce rapport : « Jésus parlait en paraboles à ses disciples, et jamais il ne leur parlait qu’en paraboles[7] ». Mais, quand il leur promet de ne plus leur parler en paraboles et de leur parler ouvertement de son Père, il leur montre qu’un jour le Saint-Esprit descendra en eux et leur communiquera une sagesse telle qu’il ne sera plus nécessaire de leur parler en paraboles, comme à des enfants : alors cet Esprit-Saint viendra les visiter et leur parlera ouvertement du Père ; c’est-à-dire, qu’il leur fera connaître parfaitement comment le Père est dans le Fils, et le Fils dans le Père ; et ils sauront aussi que tout ce que peut le Père, le Fils le peut pareillement, d’après cette parole du Sauveur lui-même : « Tout ce qui est à mon Père est à moi[8] ». Voilà pourquoi le Sauveur continue en disant : « Ce jour-là, vous demanderez en mon nom[9] ». C’était