Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/657

Cette page n’a pas encore été corrigée

SEIZIÈME SERMON. SUR, CES PAROLES DE L’ÉVANGILE SELON SAINT JEAN (XIII, 16-32) : « JÉSUS DIT A SES APÔTRES : EN VÉRITÉ, EN VÉRITÉ, JE VOUS LE DIS : LE, SERVITEUR N’EST PAS PLUS GRAND QUE SON MAÎTRE, NI L’APÔTRE PLUS GRAND QUE CELUI QUI L’A ENVOYÉ ». TRAHISON DE JUDAS.

ANALYSE.—1. Élection de Judas. —2. Prescience du Christ. —3. Il confère à ses ministres le droit qu’il a d’être honoré.—4. Usage des Grecs relativement au jour de Pâques.—5. Le trouble de l’âme n’est pas en contradiction avec le christianisme. —6. Le Christ donne à supposer le crime de Judas, mais il n’en parle pas ouvertement. —7. Question de Jean. —8. De quelle manière Satan entra, dans le cœur de Judas, qui était déjà possédé du diable.—9. Son crime n’a pas été commandé par le Christ. —10. Le Sauveur a interdit, non pas la possession de l’argent, mais les mauvaises dispositions avec lesquelles on pourrait le posséder. —11. Impudente méchanceté de Judas. —12. Glorification du Fils de l’homme.

1. Le Sauveur ne donne pas à penser que Judas doive partager, plus tard, le bonheur de ceux qui auront fait ce que le Maître a enseigné et fait lui-même ; car voyez ce qui suit : « Je ne vous parle pas de vous tous : je connais ceux que j’ai choisis. Mais il faut que cette parole de l’Écriture soit accomplie : Celui qui mange le pain avec moi, lèvera le pied contre moi[1] ». Judas a levé son pied contre lui, c’est-à-dire, qu’il l’a écrasé autant qu’il a pu. Une autre version du Psautier dit ceci : « L’homme de ma paix, de ma confiance, qui mangeait à ma table, s’est insolemment élevé contre moi[2] ». Le Seigneur a choisi Judas pour ce qui est advenu de lui, et pour le salut des autres ; quant aux onze, il les a élus, afin d’en faire ses imitateurs et de les rendre heureux. Aussi a-t-il dit en un autre endroit : « Je vous ai choisis « au nombre de douze, et l’un de vous est un démon[3] ».

2. « Je vous dis ceci maintenant avant que « la chose arrive, afin que, quand elle sera « arrivée, vous reconnaissiez ce que je suis[4] ». Jusqu’alors, j’ai été patient ; je me suis tu ; mais aujourd’hui, je vous signale le traître avant qu’il fasse ce qu’il va bientôt faire : au moins, plus tard, vous croirez que je suis celui-là même au sujet duquel l’Écriture a prédit ces choses.

3. Après avoir, par son exemple, appris à ses Apôtres à supporter les humiliations et les coups de pied, le Christ leur parle de l’honneur qui devra des consoler, et qui consistera en ce que le Père lui-même sera reçu en leur personne. « En vérité, en vérité, je vous le dis, quiconque reçoit celui que j’aurai envoyé, me reçoit moi-même ; et qui me reçoit, reçoit celui qui m’a envoyé[5] ». Dans ces paroles, le Christ n’établit pas l’unité de nature entre celui qui envoie et l’envoyé, mais il prouve que l’envoyé possède l’autorité de celui qui lui a confié sa mission. De là il suit que si, en recevant un envoyé, on voit en lui celui qui l’a envoyé, on doit reconnaître le Christ dans la personne de Pierre, c’est-à-dire le maître dans son serviteur, comme aussi le Père dans la personne du Christ, ou, en d’autres termes, celui qui a engendré en son Fils unique.

4. Il faut examiner très-attentivement la question de savoir pourquoi la cène précitée a eu lieu avant le jour de Pâques, si elle est la même que celle dont il est question un peu plus loin. Nous avons dit précédemment que le jour des azymes se prend indifféremment pour celui de Pâques, et le jour de Pâques pour ceux des azymes, dont le premier et le dernier se célébraient plus solennellement que les autres. Voilà pourquoi Jean a dit : « Avant le jour de la fête de Pâques », donnant le nom de Pâques au premier jour de la solennité du lendemain, c’est-à-dire à la sixième férie. Chez les Grecs, ce n’est pas le jour, au soir duquel tombait la quatorzième lune, mais seulement le suivant qui

  1. Jn. 13, 8
  2. Psa. 90, 10
  3. Jn. 6, 71
  4. Id. 13, 19
  5. Jn. 13, 20