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notre paix et à t’apaiser toi-même, si tu veux bien te réjouir du retour de ton frère, si notre festin ne te contriste pas, si tu ne restes pas en dehors de la maison au moment même où tu reviens des travaux des champs, tout ce qui m’appartient est à toi. Pour nous, nous devons prendre part au festin et nous réjouir, parce que le Christ, après être mort pour les impies, est ressuscité. Car tel est le sens véritable de ces paroles « Ton frère était mort, et il a été rendu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé[1] ».

DOUZIÈME SERMON. LE PHARISIEN ET LE PUBLICAIN (Luc, 18, 10 et suiv.)

ANALYSE. —1. L’humilité enseignée par l’exemple du Publicain, et l’orgueil condamné par l’exemple du Pharisien. —2. L’humilité est de nouveau exaltée par l’exemple de la Chananéenne.

1. Nous venons de voir, mes frères bien-aimés, le portrait de deux hommes bien différents ; l’Évangile, dont vous avez entendu la lecture, nous représente un homme humble et un homme orgueilleux, celui-là rempli de mépris, celui-ci rempli d’estime pour lui-même ; l’un confessant librement et l’autre refusant de confesser ses fautes ; l’un s’accusant et implorant sa guérison, l’autre se justifiant et prétendant n’avoir pas besoin d’être guéri. « Deux hommes », dit le texte sacré, « montèrent au temple pour y prier, un « Publicain et un Pharisien[2] ». Le Pharisien, enflé, rempli d’orgueil et de superbe, bien loin de s’humilier extérieurement et d’incliner son front, promenait autour de lui un regard plein de fierté ; puis de sa poitrine s’échappa, non pas cette prière, mais ce discours imprégné du plus insultant mépris à l’égard de ses semblables : « O Dieu, je vous rends grâces de ce que je ne suis point comme le reste des hommes, qui sont injustes, adultères, voleurs ; ni même comme ce Publicain. Je jeûne deux fois la semaine et je donne la dîme de tout ce que je possède[3] ». O enflure du cœur ! O esprit gonflé par l’orgueil et devenu insensé ! « de vous rends grâces, ô Dieu », dit-il, « de ce que je ne suis point comme les autres hommes ». Comme s’il eût dit à Dieu. Je vous rends grâce de ce que je ne me suis rendu coupable d’aucune faute contre vous ; je ne trouve rien en moi dont je doive vous demander pardon ; je suis parfaitement sain et n’ai aucun sujet d’implorer votre miséricorde. Quelle assurance, quelle témérité audacieuse, mes frères, de la part de ce Pharisien ! et, pour parler le langage de la stricte vérité, quelle démence inouïe ! « Je ne suis point comme les autres hommes », dit-il à celui qui connaît le cœur de tous, et au médecin qui découvre la corruption la plus secrète du cœur : je n’éprouve aucune douleur. Confesse, ô Pharisien malheureux, confesse tes péchés, si tu veux obtenir ta guérison ; tant que tu chercheras à déguiser les plaies de ton âme, tu ne réussiras qu’à les rendre à la fois plus larges et plus profondes. En même temps qu’il s’excuse, il accuse les autres ; en même temps qu’il se proclame innocent, il prononce contre les autres un verdict de culpabilité. O fureur, ô délire, ô orgueil digne des plus grands châtiments ! Dieu est prêt à pardonner, et le coupable se hâte d’aller au-devant de la miséricorde pour la repousser. Le médecin apporte un remède propre à guérir les plaies les plus invétérées et à rendre la santé, et le malade, couvert à la fois de la lèpre du péché et en proie à la fièvre d’un orgueil délirant, s’empresse de cacher ses plaies purulentes. Hélas ! combien nous-mêmes n’en voyons-nous pas

  1. Luc. 15, 32
  2. Luc. 18, 10
  3. Luc. 18, 10