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parce que les Juifs ne reconnaissent qu’une seule personne et confessent un seul Dieu. À reconnaître trois Dieux, nous ressemblerions aux Gentils. Mais il n’en est pas ainsi ; nous confessons que le Père est dans le Fils, et que le Fils est dans le Père, avec le Saint-Esprit ;'nous ne divisons ni ne partageons la nature divine, Dieu de Dieu, puissance de puissance, lumière de lumière, vérité de vérité. Pour le constater, pas de témoins : ni le ciel, ni la terre, ni la mer, ni la lumière, ni les ténèbres, ni les anges, ni les chérubins, ni les séraphins ; car : « Au commencement le Fils était dans le Père[1] ». Personne ne connaît celui qui ne peut naître, si ce n’est celui qui est né, parce qu’il sait de qui il est né ; de même celui-là seul, qui a engendré, connaît celui qui peut naître ; aussi le Père connaît-il le Fils, puisqu’il l’a engendré. L’engendré est pareil à son auteur ; c’est le conseil et la sagesse du Père ; c’est, avec lui, une seule puissance, une même divinité. Tu cherches à comprendre la génération du Fils de Dieu ? Depuis peu il a pris une origine particulière dans le sein de la Vierge Marie ; mais, quant à sa génération divine, on ne peut dire que ceci : « Dès le commencement il est dans le Père ». Je confesse un seul Dieu innascible, et je reconnais un seul Dieu né. Je proclame que le Père tout-puissant est sans commencement et sans fin, qu’il contient toute chose et n’est contenu en rien, qu’il gouverne tout et n’est gouverné par quoi que ce soit, qui voit tout et n’est vu de personne. J’avoue aussi que Jésus-Christ, Fils de Dieu, possède toute la sagesse et la puissance de Dieu, son Père. Autant le Père a de puissance, « autant en possède » le Fils. L’engendre n’est pas moindre que celui qui ne peut naître ; il n’a été ni fait ni créé.
2. Si je disais que l’Esprit est né, je déclarerais que le même Père a deux Fils, au lieu de dire qu’il a un Fils unique et qu’un seul Fils a été engendré par un seul Père. Il n’y a qu’un seul Père, et il a fait toutes choses, comme il n’y a qu’un seul Jésus-Christ, par qui toutes choses ont été faites. Si je dis que le Fils n’est pas né, je reconnais dès lors que le Père Tout. Puissant n’est pas seul innascible, et je confesse deux Tout-Puissants ; et si, d’un autre côté, j’avoue qu’il a été fait, je parle à la manière des Gentils, car ils adorent les œuvres de l’homme et n’adorent pas le Créateur du ciel et de la terre. Comment donc m’exprimer à son égard ? Dirai-je que c’est un fantôme ? Que Dieu m’en garde, car le Christ ne pardonnera jamais le blasphème. Supposez que deux morceaux de bois, liés ensemble, soient jetés dans une fournaise ardente, un seul jet de flammes s’échappe de tous les deux à la fois ; ainsi, du Père et du Fils procède l’Esprit-Saint, et il possède, comme eux, la puissance et la divinité.
3. Le bienheureux apôtre Paul a parfaitement défini notre croyance : « Un Dieu », dit-il, « médiateur entre Dieu et les hommes[2] ». Ce n’est pas en tant que Dieu de Dieu, qu’il est devenu médiateur ; car il n’y a qu’un seul Dieu même jusque dans la Trinité : mais la vertu du Père s’étant incarnée dans le sein de la Vierge Marie, et revêtue du vieil homme qui était tombé par sa désobéissance, elle est devenue la médiatrice de l’humanité. Comme l’attestent les Évangiles, lorsque le Sauveur eut conduit ses Apôtres sur le Thabor, il leur manifesta la puissance de sa divinité, et voilà qu’une nuée lumineuse le couvrit[3]. Cette nuée indiquait que la Vertu du Père se trouvait en lui. Il en est dont la doctrine est insensée ; comment expliquent-ils trois personnes en une seule substance ? Par trois personnes, ils entendent trois puissances. Pour nous, nous disons qu’il y a trois personnes en une seule et même puissance, trois noms et un seul Dieu, trois paroles exprimant le même sens, c’est-à-dire, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Ceux-là partagent et divisent encore la puissance et la divinité de la Trinité sainte ; c’est, disent-ils, comme un empereur, un préfet et un comte. Non, et loin de vous enseigner une pareille doctrine ou cette exposition de foi, je l’anathématise ; car il est écrit dans nos livres sacrés : « Les perfections invisibles de Dieu sont devenues visibles par la création de ce monde[4] ». Pour faire un empereur de la terre, il faut trois choses, mais la puissance impériale est une. Si l’empereur ôte son diadème de dessus sa tête, il est un César, mais n’est plus un empereur dans toute l’acception du mot ; voilà pourquoi ceux qui blasphèment le Saint-Esprit ne sont pas chrétiens. Si l’empereur se dépouille de la pourpre, ce n’est plus qu’un homme : ainsi font les Juifs, en n’adorant qu’une seule personne.

  1. Jn. 1, 2
  2. 1Ti. 2, 5
  3. Mat. 17, 5
  4. Rom. 1, 10