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le Baptême, l’Eucharistie, le signe de la Croix, nous disent que les promesses divines sont accomplies. Jadis l’objet de la foi ne se voyait pas : on le connaît maintenant. Partout et toujours les saints et les justes ont eu la même foi et nourri les mêmes espérances. Donc, mes frères, supportons nous-mêmes pour Dieu ce qu’ils ont supporté, méprisons ce qu’ils ont méprisé, et, comme eux, nous recevrons en partage la vie éternelle que nous espérons.



TREIZIÈME SERMON. POUR LA FÊTE DU BIENHEUREUX MARTYR LAURENT. I

ANALYSE. —1. Victoire remportée sur le monde par saint Laurent. —2. Imitons sa force d’âme.


1. Parmi les confesseurs couronnés de lauriers, et que l’éternelle gloire des triomphateurs a portés jusqu’au ciel, saint Laurent brille d’un éclat dont les nuances sont multiples ; car en souffrant le martyre, il a mérité de porter, sur sa tête, non seulement la couronne blanche du lévite, mais encore celle des témoins du Christ. Les uns se sont couverts des flots d’un sang vermeil, les flammes ont consumé les autres, comme s’ils avaient été enfermés dans une fournaise ; sur ceux-ci apparaissent les teintes rouges de l’or, sur ceux-là les nuances de la pourpre, et sur les palmes du bienheureux Laurent se marient les couleurs les plus diverses et les plus tranchantes. Ainsi les verges, le feu, le glaive et toutes les tortures inventées par le génie des bourreaux, ont enfanté, pour les martyrs, d’impérissables titres de gloire ; car, au lieu de se laisser vaincre, ceux-ci ont recueilli en ce monde, pour la porter dans l’autre, la couronne triomphale. À quoi bon torturer et supplicier ce qu’il y a en eux de terrestre ? À quoi bon le faire mourir ? La foi des martyrs a remporté sur vous la victoire ; leur constance a triomphé de vous ! La mort une fois venue, en quoi seriez-vous à craindre ? Vous avez élevé les martyrs jusqu’au ciel, mais vous ne les avez pas vaincus ; toute votre puissance s’est évanouie. Les témoins du Christ ont conservé leur patience jusqu’au terme de leurs tortures : aussi leur avez-vous procuré un véritable bénéfice en les persécutant, puisque vous leur avez ainsi tracé le chemin qui devait les conduire au ciel. C’est donc bien le cas de dire : « O mort, où est ta victoire ? ô mort, où est ton aiguillon ?[1] » Il brise tous les obstacles, celui qui ne craint pas de mourir ; il triomphe de tout, celui qui, en mourant, se hâte de parvenir jusqu’au Christ. Pourrait-on redouter les souffrances, quand on sait qu’on passera de la mort à la vie ? Le bienheureux Laurent aurait-il été supérieur à son brûlant supplice, s’il n’avait désiré se faire admettre dans les parvis de la Jérusalem céleste et en goûter les joies ? Il le savait : après la mort, la victoire ; après les ardeurs du feu, les doux rafraîchissements ; son corps se disloquait et se liquéfiait sur les charbons enflammés : consumé par les flammes, ce qu’il tenait de la terre se réduisait en fumée et en cendres. Il rendait à sa misérable mère ce qu’elle avait enfanté et versait dans son sein limoneux le contenu de son vase. Ce qu’il avait reçu de la terre, il le lui restituait ; ce qu’elle lui avait donné pour grandir, devenait la proie des flammes.

  1. 1 Cor. 15, 35