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païenne et si ridicule le déshonore, que l’eau des étangs et des fleuves eux-mêmes a besoin d’être purifiée par l’eau toute pure du saint baptême. O renommée, quel appoint tu as apporté à la foi ! Tu as couru, comme une inconnue, dans le monde, et tu as fait connaître aux nations le jour où saint Jean-Baptiste a reçu la vie, et tu l’as fait célébrer par ceux-là mêmes qui n’étaient pas encore chrétiens ! Que te dirai-je, ô renommée ? Je n’en sais rien ; car tu forces l’apparence de la vérité à rendre témoignage à la vérité même. De fait, au point du jour, quand le soleil ne s’est pas encore montré à l’Orient, nous voyons les jeunes gens revenir de la fontaine après s’être baignés ; nous voyons des mères superstitieuses, la tête voilée et les bras tendus, rapporter leurs enfants plongés dans l’eau. Catéchumènes, est-ce ainsi que vous profanez ce qui est saint ! Chrétiens fidèles, est-ce ainsi que vous tombez dans l’erreur ! Passe pour les païens, car ils ne sont pas instruits ; mais vous, chrétiens, vous qui connaissez parfaitement votre devoir, je ne puis vous pardonner. Les païens contrefont ce qu’ils ne savent pas ; mais vous, vous profanez l’objet de votre culte. Voici ce que dit l’Apôtre Paul : « Lorsque les Gentils, qui n’ont point de loi, font naturellement les choses que la loi commande, n’ayant point de loi, ils sont à eux-mêmes la loi, et ils font voir que ce que la loi ordonne est écrit dans leur cœur, par le témoignage que leur rend leur propre conscience[1] ». Quant au peuple chrétien, il le reprend ainsi de ses erreurs : « Toi qui as en horreur les idoles, tu fais des sacrifices ; toi qui te glorifies d’avoir la loi, tu déshonores Dieu par la violation de la loi ; car vous êtes cause que le nom de Dieu est blasphémé parmi les Gentils[2] ».
2. Mais afin de mieux vous instruire sur la naissance, en ce jour, de Jean-Baptiste, il me faut vous dire un mot sur le partage et la durée des saisons. Tous les ans, il y a deux solstices, séparés, à égale distance l’un de l’autre, par deux équinoxes : l’un de ces deux solstices a lieu aujourd’hui, l’autre au huit des calendes de janvier ; quant aux équinoxes, la première tombe le huit des calendes d’octobre, et la seconde le huit des calendes d’avril ; l’année se trouvant ainsi divisée en quatre parties égales, nous disons que Jean et Notre-Seigneur Jésus-Christ ont été conçus, l’un au moment d’une équinoxe, l’autre à l’époque de la seconde. En effet, puisque Jean est né à pareil jour, il doit avoir été conçu le huit des calendes d’octobre ; pour le Christ, Fils de Dieu, et afin que sa naissance eût lieu régulièrement au huit des calendes de janvier, sa conception s’est faite le huit des calendes d’avril, par l’union du Verbe avec la nature humaine. Le temps de leur naissance s’est ainsi trouvé d’accord avec tes mérites de chacun d’eux, car Jean est venu au monde à l’époque où les jours commencent à décroître, et le Christ, Fils de Dieu, au moment où ils commencent à devenir plus grands : d’accord, en cela, avec les paroles du précurseur : « Il faut qu’il croisse, et moi que je diminue[3] ». C’est avec raison que Jean a comparé le Christ au jour, car David l’avait déjà désigné sous cet emblème en écrivant l’un de ses psaumes « C’est ici le jour que le Seigneur a fait ; réjouissons-nous en lui et tressaillons d’allégresse[4] ». Le jour dont le saint roi fait ici mention n’est autre que le Christ, qui est né et qui, après avoir été mis à mort, est sorti vivant de son tombeau.
3. Sages vulgaires, écoutez ceci. Si vous avez une autre manière de vous rendre compte de saisons, acceptez, du moins, la manière dont nous rendons compte de notre foi. Aujourd’hui, nous célébrons la naissance de Jean-Baptiste, et vous, vous vous extasiez de voir le soleil arrêté dans sa course par les lois de l’équilibre ; que si, au contraire, aucune manière de calculer les époques ne s’accorde avec votre raison, si aucune religion ne cadre avec vos sentiments religieux, eh bien ! écoutez-moi encore, vous qui, au moment de l’aurore, plongez vos corps dans l’eau des rivières, pour les purifier. N’agissez point ainsi pour aboutir à l’inutilité ; ne singez pas ce que vous ignorez ; mais, si vous avez tant soit peu de confiance en ces sortes de bains, demandez à l’Église qu’elle répande sur vous son eau sainte, renoncez à vos erreurs, embrassez la vérité.
4. Pour vous, chrétiens, considérez ce jour comme l’anniversaire, non-seulement de la naissance de Jean-Baptiste, mais aussi de l’origine du baptême ; car si Jean est né à pareil jour, il a aussi baptisé le Christ : puisqu’il a donné le baptême, il était donc bien grand, mais plus grand encore était celui qui

  1. Rom. 2, 14-15
  2. Id. 22-24
  3. Jn. 3, 30
  4. Psa. 117, 24