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Mais s’ils veulent bien écouter notre réponse, ils ne pourront s’excuser d’élever à Dieu une maison. Et tout d’abord, nous indiquerons au pauvre les ressources qui lui viennent de Dieu, afin de s’édifier lui-même, quand nous lui prêchons de bâtir une maison à Dieu. Écoute, ô toi, qui te plains de la pauvreté et qui fais valoir ton impuissance à bâtir une maison au Seigneur. Pourquoi ne considérer que ta pauvreté et mépriser les richesses intérieures ? C’est là qu’il te faut élever un temple à Dieu, c’est là que tu dois posséder des richesses spirituelles. Dès lors, si tu es pauvre quant aux biens de la terre, sois riche en charité ; si tu n’as point de villa, tu as la sagesse ; s’il n’y a pas d’or dans ta bourse, que Dieu soit dans ton cœur. Que ton âme brille par la pauvreté, ce qui est mieux pour toi que l’éclat de vêtements précieux ; si tu n’as point, pour alimenter ton corps, une délicieuse nourriture, de saintes mœurs donneront à ton âme l’embonpoint ; quel est, en effet, pour le corps, le résultat d’une nourriture recherchée, sinon d’alimenter la luxure ? tandis que les bonnes mœurs nourrissent dans notre cœur la sainte charité. N’attache donc pas un grand prix à ces richesses quine demeurent point ; car, avec des richesses spirituelles, tu ne seras point pauvre ; et même, si tu es homme à t’acquérir des biens spirituels au prix de biens temporels, tu seras véritablement riche, parce que tu seras un pauvre digne d’éloges ; et ainsi tu bâtiras une véritable demeure au Seigneur, parce que tu seras toi-même la demeure de Dieu. Pour bâtir à Dieu un temple, il n’est pas besoin d’une masse de numéraire ; car ce qui plaît à Dieu, c’est moins le nombre des pièces d’or que la pureté de l’âme. C’est donc la charité, plus que la richesse, qui élève une véritable demeure à Dieu. Nous avons fait au pauvre la réponse que Dieu nous a suggérée, il est temps maintenant de répondre à l’homme d’humble condition, qui nous donne pour excuse son peu d’élévation dans le monde.
2. Écoute, ô mon frère bien-aimé, et sois humble de cœur, afin de juger, par là, que tu peux élever un temple à Dieu. Que ton humilité soit un acte de volonté plutôt que de nécessité. Sois humble de cœur, et commence à élever en toi-même un temple à Dieu. C’est lui qui dit : « Sur qui repose mon esprit, sinon sur l’homme humble et calme, et qui redoute mes paroles ?[1] » Dès lors, comprends-le bien, plus tu t’abaisses par ta propre volonté, et plus tu es grand ; et plus tu auras conservé cette humilité, plus sainte sera la demeure que tu élèves à Dieu.
3. Répondons maintenant à ceux qui sont serviteurs et qui nous opposent leur condition dans la pensée qu’ils ne sauraient bâtir un temple au Seigneur. Écoute alors, ô toi qui es esclave en cette vie, toi qui es retenu sous le joug d’un maître, pour élever un temple à Dieu, sois serviteur, et sois libre. Sois serviteur, en obéissant avec fidélité, et sois libre, en servant avec fidélité ; sois esclave de ton Dieu et non esclave du péché. Au service d’un homme, élève ta pensée à Dieu, observe les préceptes de Dieu, obéis à la volonté de Dieu, attends de Dieu la récompense de tes bons services ; garde la foi, évite la fraude, et sache que tu rendras compte à Dieu de toutes tes œuvres ; ne sois ni dédaigneux par paresse, ni négligent par lâcheté ; et de la sorte, en servant avec fidélité, tu recevras de Dieu la liberté sans fin. Qu’il y ait donc en toi cette liberté qui renferme en elle-même les véritables et grandes richesses, non point celles qui produisent l’enflure chez un homme mortel, mais celles qui préparent à Dieu une demeure délicieuse. « Car en Dieu, où il n’y a ni libre, ni esclave[2] », celui-là bâtit au Seigneur une véritable maison, qui règle bien sa vie dans la crainte de Dieu. Autant que je puis le présumer, nous avons, mes frères, avec le secours de Dieu, répondu aux pauvres, aux hommes peu élevés, aux esclaves, leur faisant connaître comment ils doivent bâtir à Dieu un temple, non point à l’extérieur, mais en eux-mêmes. Toutefois nous sommes, en Jésus-Christ, serviteurs des riches et des pauvres, des grands et des petits, des maîtres et des esclaves ; tel est, en effet, le précepte de celui qui a daigné en agir ainsi le premier, « lui qui, étant riche, s’est fait pauvre pour nous, afin de nous enrichir de sa dignité[3] » ; lui qui, étant le véritable Très-Haut, « s’est humilié pour nous, se rendant ainsi obéissant jusqu’à la mort, et jusqu’à la mort de la croix[4] » ; lui qui, véritable maître de toutes choses, s’est fait esclave, quand il a pris la forme de l’esclave, non-seulement pour nous, mais de nous.

  1. Isa. 66, 2
  2. Gal. 3, 23
  3. 2Co. 8, 9
  4. Phi. 2, 8