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NEUVIÈME SERMON. SUR CE PASSAGE DE L’ÉVANGILE DE SAINT LUC, (XVII, 4) : « PARDONNE, ET IL TE SERA PARDONNÉ ».

C’est du catalogue manuscrit, num. 170, qui a pour titre : Œuvres de saint Augustin, tom. 9, que j’ai tiré ce traité ; car c’est le nom qu’il porte dans ce catalogue, et qui s’y trouve placé parmi les autres sermons édités qui y sont contenus. Ce passage de saint Luc avait reçu une autre interprétation du même saint Docteur, à la table de saint Cyprien, en présence de Boniface, comme l’atteste le sermon 114 de l’édition de Saint-Maur, après lequel on devrait le placer. Or, après avoir comparé ces deux sermons, l’on n’y retrouve qu’une seule et même main. Je ne l’ai pas trouvé dans les bibliothèques éditées. Il fut composé, je pense, vers l’an429, quand saint Prosper avait déjà écrit à saint Augustin au sujet de l’hérésie des Semi-Pélagiens, qui se glissait alors dans les Gaules, et par laquelle des prêtres de Marseille niaient la nécessité de la grâce pour le commencement de la foi. À l’occasion des louanges qu’il rend à Dieu, le saint Docteur se demande si les prémices de la foi viennent de Dieu ? Question à laquelle il répond affirmativement d’après le témoignage de l’Apôtre aux Philippiens. Du reste, le discours est distingué et contient des doctrines très-importantes au sujet de la foi et des mœurs.

ANALYSE. – Nous devons pardonner sept fois le jour, c’est-à-dire toujours. – Nous sommes débiteurs de Dieu ; parabole du serviteur qui devait, et à qui le maître remet sa dette, pais qui exige de son compagnon. – Secourir le pauvre avec l’argent, et le coupable par le pardon. – Nécessité de donner son argent pour le conserver dans le ciel. – Mais le pardon n’appauvrit point, et il est une manière de faire miséricorde. – Chaque jour nous répétons à Dieu : Pardonnez-nous. – S’il faut corriger, faisons-le par charité.

Nous avons entendu dans l’Évangile le précepte salutaire de pardonner à celui de nos frères qui nous a offensés. Et de peur qu’on ne croie qu’une fois suffit et qu’il n’est pas nécessaire de lui pardonner chaque fois qu’il a péché, s’il en demande pardon, voici ce qu’il dit : « S’il pèche contre toi sept fois le jour, et que sept fois il se tourne vers toi en disant : Je m’en repens, pardonne-lui[1] ». Or, si tu comprends bien sept fois, c’est donc toujours ; car souvent le nombre sept est pris pour l’universalité. De là cette autre parole « Le juste tombera sept fois, et se relèvera[2] » c’est-à-dire chaque fois qu’il sera profondément abaissé par la tribulation, il n’est point abandonné pour cela, mais il est délivré de toutes ses angoisses. De là encore : « Sept fois le jour, je vous bénirai[3] ». Car sept fois le jour signifie toujours. Aussi « sept fois le jour » est-il remplacé ailleurs par « toujours sa louange sera dans ma bouche[4] ». Car ce n’est pas notre langue seulement qui chante les louanges du Seigneur, et nous taire n’est pas cesser de le bénir. Mais il y a une louange pour lui dans toutes nos bonnes pensées, dans toute bonne action, dans nos bonnes mœurs ; c’est là bénir celui de qui nous tenons ces biens. Nous voyons, en effet, les Apôtres demander que la foi s’accroisse en eux[5]. Se sont-ils donné à eux-mêmes les prémices de cette foi dont ils demandaient au Seigneur l’accroissement ? Loin de là ils demandaient à celui qui avait commencé, d’achever son œuvre, ainsi que l’a dit l’Apôtre : « Celui qui a commencé en vous l’œuvre du bien, lui donnera sa dernière perfection[6] ». Et ce que nous chantions tout à l’heure[7], que démontre-t-il autre chose, mes frères bien-aimés : « Conduisez-moi, Seigneur, dans votre voie, et je marcherai dans votre vérité ?[8] » Il ne dit pas seulement : Amenez-moi dans votre voie, car le Seigneur le fait aussi ; mais bien de ne point l’abandonner, quand il y est arrivé. C’est donc peu que le Seigneur nous ait

  1. Luc. 17, 4
  2. Pro. 24, 16
  3. Psa. 118, 164
  4. Id. 33, 2
  5. Luc. 17, 5
  6. Phi. 1, 6
  7. Il n’est fait allusion ici qu’à deux des trois leçons de la liturgie ; à la seconde du psaume 85, 5, 11 ; à la troisième du c. 17 de saint Luc, dont il nous entretient. Il omet la troisième, à moins que nous n’y voyions une allusion dans cette parole : a Nous u voyons les Apôtres demander l’accroissement de la foi s, qui semblerait rappeler cette épître aux Philippiens, qu’il cite et dont on aurait lu ce passage.
  8. Psa. 85, 11