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de livrer le Christ, et non l’intention de celui qui le livre, Judas fit ce que fit Dieu le Père, dont il est dit a qu’il n’a pas « épargné son Fils, mais l’a livré pour nous tous[1] ». Judas fit ce que fit Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même, dont il est écrit « qu’il s’est livré pour nous, en s’offrant à Dieu comme une victime d’agréable odeur » ; et encore : « Ainsi le Christ a aimé l’Église jusqu’à se livrer pour elle, afin de la sanctifier[2] ». Et nous rendons grâces à Dieu le Père, qui « n’a point épargné son Fils unique, mais l’a livré pour nous ». Nous rendons grâces au Fils de Dieu, « qui s’est livré pour « nous s, accomplissant ainsi la volonté de son Père. Et nous détestons Judas, dont faction a servi à Dieu pour nous accorder un tel bien, et nous disons avec justice : « Dieu lui a rendu selon son iniquité, et l’a perdu comme le méritait sa malice[3] ». Car ce ne fut point pour nous qu’il livra le Christ, mais il le vendit pour de l’argent, et toutefois, cette vente du Christ devint notre rédemption.

17. Que nul, mes frères, que nul ne veuille mettre Dieu en discussion. C’est une arrogance, une impiété, une folie. Pour toi, mets un frein à tes convoitises, ne fais rien avec mauvaise intention, sois prêt à obéir et non à nuire. Ce que ces hommes d’Israël ont fait, c’est Dieu qui l’a fait. S’ils eussent commis un vol, c’est peut-être que le Christ leur Dieu avait voulu qu’ils endurassent ce qu’ils avaient enduré, lui qui leur permit de faire ce qu’ils firent ; et toutefois, il réserverait une peine aux voleurs, et néanmoins exécuterait une certaine vengeance temporelle contre les victimes d’un tel larcin. Maintenant donc, ils ne l’ont point fait d’eux-mêmes, c’est Dieu qui l’a voulu faire par un juste jugement. En examinant cette cause, nous verrons qu’ils ne volèrent point l’or d’autrui, mais exigèrent seulement une récompense qui était due. Sous l’injuste oppression des Égyptiens, ils fabriquèrent des briques, et ne sortirent point sans une récompense pour les travaux si accablants de la servitude, et toutefois Dieu avait en cela son dessein. Si nous sommes en ce monde comme le peuple d’Israël en Égypte, j’ose vous dire, et je crois parler d’après l’Esprit de Dieu, dérobez aux Égyptiens leur or, leur argent, leurs vêtements ; leur or ou leurs sages, leur argent ou leurs hommes éloquents, leurs vêtements ou leurs diverses langues. Ne voyons-nous pas tout cela dans l’Église, n’est-ce point ce que l’Église fait chaque jour ? Combien de sages en ce monde embrassent la foi du Christ ? C’est l’or enlevé aux Égyptiens. Le saint dont nous célébrons aujourd’hui la fête fut un jour de l’or ou de l’argent des Égyptiens ; ces vêtements des Égyptiens, dont on recouvre en quelque sorte les sens, figurent les langues diverses. Vous les voyez sortir de l’Égypte et s’acheminer vers le peuple de Dieu. « Il n’est point de discours, point de langage dans lequel on n’entende cette voix[4] ». Tel est l’or, tel est l’argent des Égyptiens ; nous le voyons en sortant d’Égypte, et nous en faisons notre récompense avec nous ; car ce n’est point gratuitement que nous avons travaillé dans la boue de l’Égypte. Ainsi, mes frères, de tout ce que nous pouvons vous exposer, ou que nous ne pouvons point encore, de tout ce que vous comprenez ou ne pouvez comprendre, soit qu’on vous l’expose comme nous venons de le faire, soit d’une manière supérieure, croyez que tout alors arrivait en figure aux « enfants d’Israël, et que cela est écrit pour notre instruction, à nous qui arrivons à la fin des temps[5] ». Et je n’y ferais aucune attention ? Et toi, chrétien, dans le sens spirituel, tu n’étudierais pas avec moi pourquoi les mages de Pharaon furent pu défaut à la troisième plaie, tu n’y verrais qu’un effet sans cause ? Je n’y chercherais rien, et je croirais que ce fait s’est accompli ou a été consigné sans dessein ? Les mages de Pharaon, à l’encontre de Moïse, font des serpents avec des verges, du sang avec de l’eau, ils font des grenouilles, ils font tout cela. Ils arrivent à la troisième plaie, à ces mouches appelées moucherons, et là, font défaut ceux qui avaient fait des serpents ; ceux qui avaient fait des grenouilles, font défaut devant les mouches. Assurément, cela n’est point sans raison. Frappez avec moi. À quoi est opposée la troisième plaie ? Au troisième précepte de Dieu, qui impose le sabbat au peuple, qui prêche le repos, qui recommande la sanctification ; car il est dit : « Souviens-toi de sanctifier le jour du sabbat ». Enfin, dans les premiers ouvrages du monde, le Seigneur fit le jour, fit le ciel, la terre, la mer, les grands corps lumineux, les étoiles, tira des eaux les animaux,

  1. Rom. 8, 32
  2. Eph. 5, 2,25
  3. Psa. 93, 23
  4. Psa. 18, 4
  5. 1Co. X