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nous ne paraissions vouloir bâtir en l’air. Mon opinion, en effet, sur tous ceux qui méprisent les dix préceptes de la loi, qui ne les observent point, c’est qu’ils endurent d’une manière spirituelle ce qu’ont enduré les Égyptiens dans leur corps. Tandis que je vous exposerai ces choses avec le secours de Dieu, je vous supplie de m’accorder votre attention et de prier pour moi, afin que je puisse vous parler. Nous savons à quoi nous en tenir dans notre pensée, mais vous l’exposer, c’est une dette que nous acquittons. Et d’abord, pour ne point vous tromper quant au nombre de ces plaies, n’allez point prendre pour l’une d’elles ce qui arriva comme un signe, ou la baguette de Moïse changée en serpent. C’était une manière de se présenter à Pharaon et de signaler dans Moïse l’homme qui allait tirer de l’Égypte le peuple de Dieu ; et qui, sans frapper les obstinés, les effrayait devant un prodige divin. Il n’est pas nécessaire, en effet, et nous n’avons pas le dessein de parler de cette verge de Moïse changée en serpent. Mais puisque nous en avons fait mention de peur qu’on ne se trompe sur le nombre, et que nous ne voulons pas laisser dans l’esprit d’un auditeur le moindre scrupule d’ignorance, nous dirons brièvement que ces verges signifient le royaume de Dieu, que ce royaume de Dieu n’est autre que le peuple de Dieu, et que le serpent désigne le temps de cette vie mortelle, puisque la mort nous a été inoculée par le serpent. Devenir mortel, c’est donc en quelque sorte tomber de la main de Dieu sur cette terre ; de là cette verge qui devient un serpent dès qu’elle tombe de la main de Moïse. Les enchanteurs imitèrent ce miracle, en jetant leurs verges, qui devinrent des serpents ; mais le serpent de Moïse, ou la verge de Moïse, dévora tous les serpents des mages ; enfin, une fois saisie par la queue, elle redevint une verge, et le royaume se remit sous la main. Car les verges des mages sont les peuples des impies. Qu’est-ce que ces peuples impies ? Vaincus par le nom du Christ, ils passent dans son corps, comme dévorés par le serpent de Moïse : jusqu’à ce que nous rentrions dans le royaume de Dieu, mais à la fin de cette vie mortelle, ce que signifie la queue du serpent, et que cette grande figure s’accomplisse. Après avoir entendu ce que vous devez désirer, écoutez ce qu’il vous faut éviter.

2. Le premier commandement de la loi est d’adorer un seul Dieu :« Tu n’auras pas », est-il dit, « d’autres dieux que moi[1] ». La première plaie des Égyptiens fut l’eau changée en sang[2].

3. Comparez le premier précepte à la première plaie. Comprenez un seul Dieu par qui tout existe, sous la figure de l’eau, qui donne naissance à tout. À qui convient le sang, sinon à la chair mortelle ? Que signifie donc le changement de l’eau en sang, sinon que « leur cœur insensé a été obscurci ? Ils se disaient sages, et sont devenus fous, et ont changé la gloire du Dieu incorruptible en l’image de l’homme corruptible[3] ». La gloire du Dieu incorruptible ressemblerait à l’eau et l’image de l’homme corruptible au sang. Voilà ce qui arrive en effet dans le cœur des impies ; car Dieu demeure le même, et bien que l’Apôtre dise : « Ils ont changé », Dieu n’est point changé pour cela.

4. Voici le second précepte : « Tu ne prendras pas en vain le nom du Seigneur ton Dieu, car il ne sera point innocent, celui qui aura pris en vain le nom du Seigneur Dieu[4] ». Or, le nom de Jésus-Christ, notre Dieu, est la vérité, puisque lui-même l’a dit : « Je suis la vérité[5] ». C’est donc la vérité qui purifie, et la vanité qui souille. Et comme celui qui dit la vérité « parle d’après Dieu ; tandis que celui qui dit le mensonge parle d’après lui-même[6] », dire la vérité c’est parler raisonnablement, tandis que dire la vanité c’est bruire, plutôt que parler ; c’est avec raison que le second précepte nous impose l’amour de la vérité, auquel est opposé l’amour de la vanité. La vérité est une parole, la vanité n’est qu’un vain bruit. Or, vois comment ce précepte a son contraste dans la seconde plaie. Qu’est-ce que cette seconde plaie ? Des grenouilles sans nombre. Or, tu verras ici l’image expressive de la vanité, si tu veux faire attention à la quantité des grenouilles. Vois l’homme qui aime la vérité, ne prendre point en vain le nom du Seigneur ton Dieu, tenir le langage de la sagesse avec les parfaits et même avec les imparfaits ; ne point leur dire ce qu’ils ne sauraient comprendre, sans toutefois s’écarter de la vérité, pour courir après la vanité. Que les imparfaits ne puissent comprendre, si l’on s’élève au-dessus

  1. Exo. 20, 3
  2. Id. 7, 20
  3. Rom. 1, 21
  4. Exo. 20, 7
  5. Jn. 14, 26
  6. Id. 8, 44