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ainsi ? Quand ce monde, bien loin de croire, frémissait de colère. « Celui qui rougira de moi devant les hommes, je rougirai de lui devant mon Père qui est au ciel. Mais celui qui me confessera devant les hommes, je le confesserai aussi devant mon Père qui est au ciel[1] ». Veux-tu être avoué ou désavoué par le Christ ? Tes insulteurs seront-ils donc loin de toi, quand le Christ te désavouera ? Il viendra, puisqu’il l’a promis. Celui qui s’est montré si véridique, serait-il menteur pour le seul jour du jugement ? Nullement. Que les païens gardent leur infidélité, ou plutôt, qu’ils ne soient plus infidèles ; vous, soyez pour eux des modèles en confessant Jésus-Christ, et non des vaincus qui gardent le silence. S’ils voient en effet que les plus forts d’entre les chrétiens soutiennent les plus faibles dans l’affirmation de leur foi, par la sainte liberté de leur confession, par leur prudence à les instruire, par leur charité à les former, ils se tairont, croyez-le bien. Car ils n’ont plus rien à dire. Les cris ne sont rien, c’est « une cymbale retentissante[2] », qui a cessé dans leur temple et qui n’est plus que dans leur bouche.

DIX-NEUVIÈME SERMON.
SUR CES PAROLES DE L’APÔTRE : « JE VOUS ENSEIGNE UNE VOIE BEAUCOUP PLUS RELEVÉE [1 Cor. 12, 31][3] ».

ANALYSE. —1. La charité surpasse tous les autres dons que l’on pourrait avoir sans elle. —2. Prophétie sans charité en Saül et en sa garde. —3. Prophétie sans la charité en Caïphe. —4. La foi sans la charité chez les démons.—5. Exemple de la charité réciproque dans les membres du corps humain. —6. Diverses dignités dans les membres, et surtout la santé qu’il faut considérer. —7. Les Donatistes, membres malades, sont retranchés.—8. Condamnation de Crispions, et auparavant des Donatistes dans la cause de Cécilien et de Majorin.—9. Ces membres retranchés peuvent revenir à l’Église. —10. L’Église répandue dans tout l’univers est catholique, vraie. —11. Le don des langues, accordé aux premiers fidèles, signifiait que l’Église les parlerait toutes. —12. Il engage les Donatistes à opérer leur retour.

1. À ceux qui aiment la charité, il est bon de parler de cette vertu qui fait aimer comme il convient tout ce que l’on aime. C’est dans la charité, en effet, que se trouve la voie la plus relevée dont a parlé l’Apôtre. On le lisait tout à l’heure, et nous l’avons entendu. « Je vous montre », dit-il, « une voie bien plus relevée[4] ». Il énumère ensuite plusieurs dons, des plus éclatants, et qu’on ne saurait dédaigner ; et toutefois il déclare qu’ils ne servent de rien aux hommes, s’ils n’ont la charité. Parmi ces dons il fait mention de parler la langue des hommes et des anges, de posséder toute prophétie, toute science, toute foi, jusqu’à transporter les montagnes, jusqu’à distribuer tous ses biens aux pauvres, jusqu’à livrer son corps pour être brûlé[5]. Tout cela sans doute est grand, est divin ; mais à la condition d’avoir pour base la charité, de grandir sur la racine de la charité. Qu’il y ait eu beaucoup de chrétiens pour posséder beaucoup de ces dons sans avoir en môme temps la charité, c’est ce que je n’oserais dire, si l’exemple de certains hommes, non pas les premiers venus, ni pris au hasard, mais choisis dans les saintes écritures, ne nous apprenait que nul ne saurait avoir la charité, s’il n’a d’abord la foi. Mais parmi les principaux, que nous y rencontrons,

  1. Mat. 10, 32-33
  2. 1Co. 13, 1
  3. On lit dans le manuscrit, foi.64 : « Sermon de saint Augustin, évêque, sur la charité ».— C’est un beau traité contre les Donatistes, dont la deuxième partie est historique. Possidius, dans son Indic. Opp, c.9, fait mention de deux traités sur la charité.
  4. 1Co. 12, 31
  5. 1Co. 13, 1-3