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QUATRE-VINGT-TROISIÈME TRAITÉ.

SUR CES PAROLES : « JE VOUS AI DIT CES CHOSES, AFIN QUE MA JOIE SOIT EN VOUS ET QUE VOTRE JOIE SOIT PLEINE. C’EST MON COMMANDEMENT QUE VOUS VOUS AIMIEZ LES UNS LES AUTRES, COMME JE VOUS AI AIMÉS ». (Chap. 15, 11-12.)

LA JOIE, FRUIT DE LA CHARITÉ.

La joie que Jésus-Christ ressent de nous voir appelés existait en lui de toute éternité, en raison de sa prescience ; en nous, elle n’a pu commencer qu’au baptême, elle ira en augmentant suivant nos mérites jusqu’au moment où elle se consommera dans le ciel, mais, pour en, arriver là, il nous faut observer le commandement du Sauveur qui est de nous aimer les uns les autres, et quand nous aurons ainsi observé la plénitude de la loi, notre joie sera pleine.


1. Vous avez entendu, mes très-chers frères, que Notre-Seigneur a dit à ses disciples : « Je vous ai dit ces choses, afin que ma joie soit en vous et que votre joie soit entière ». En quoi consiste la joie de Jésus-Christ en nous ? En ce qu’il daigne se réjouir de nous. Et en quoi consiste notre joie qui, selon sa parole, doit être entière ? En ce que nous jouissons de sa société ? C’est à cause de cela qu’il avait dit à Pierre : « Si je ne te lave, tu n’auras point de part avec moi [1] ». La joie donc de Jésus-Christ en nous, c’est la grâce qu’il nous a donnée, et cette grâce est aussi notre joie. Cette joie, il s’en est réjoui lui-même de toute éternité, quand il nous a choisis avant la constitution du monde [2], et nous ne pouvons dire avec vérité que sa joie n’était pas entière ; car Dieu ne saurait se réjouir imparfaitement. Mais cette joie qui était la sienne n’était pas en nous ; car nous n’existions pas encore, et, par conséquent, elle ne pouvait se trouver en nous, et quand nous avons commencé d’être, nous n’avons pas d’abord été avec lui. Mais sa joie était toujours en lui, car, dans la vérité très-certaine de sa prescience, il se réjouissait de voir que nous serions à lui. La joie qu’il ressentait à notre occasion était donc déjà parfaite, puisque, par sa prescience et sa prédestination, il se réjouissait en nous effectivement. Il ne pouvait y avoir, dans sa joie, aucune crainte sur l’existence future de ce qu’il prévoyait. Lorsqu’il commença à faire ce qu’il avait résolu de faire, la joie dont il était heureux n’augmenta pas ; autrement, il serait devenu plus heureux, pour nous avoir créés. Loin de nous cette pensée, mes frères : la béatitude de Dieu n’était pas moins grande sans nous ; elle n’est pas devenue plus grande avec nous. La joie qu’il a ressentie de notre salut, joie qui a toujours été en lui, parce qu’il nous à prévus et prédestinés, a commencé d’être en nous, quand il nous a appelés. Et cette joie, nous l’appelons, avec raison, la nôtre, puisqu’elle doit nous rendre bienheureux. Mais cette joie, qui est la nôtre, croît, augmente, et la persévérance la fait arriver à sa perfection. Elle commence par la foi de ceux qui renaissent par le baptême, elle sera amenée à son comble par la rémunération de ceux qui ressusciteront. C’est, je l’imagine, en ce sens qu’il a été dit : « Je vous ai dit ces choses, afin que ma joie soit en vous et que votre joie soit entière » ; que « ma » joie soit en vous et que la « vôtre » soit entière. Ma joie était entière, même avant que vous fussiez appelés, puisque je savais d’avance que vous le seriez ; elle ne commence en vous que lorsque vous devenez ce que j’ai prévu de vous. Et « que votre joie soit entière », parce que vous serez bienheureux, tandis que vous ne l’êtes pas encore ; c’est ainsi que vous existez maintenant, tandis que vous n’existiez pas avant d’être créés.
2. « C’est », dit Notre-Seigneur, « mon précepte que vous vous aimiez les uns les autres, comme je vous ai aimés » ; que ce soit précepte ou commandement, peu importe ; l’un et l’autre mot viennent du mot grec entolh. Notre-Seigneur avait déjà dit la même

  1. Jn. 13, 8
  2. Eph. 1, 4