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DOUZIÈME SERMON. POUR LA VIGILE DES APÔTRES SAINT PIERRE ET SAINT PAUL[1].

ANALYSE.—1. Pierre interroge trois fois par le Seigneur au sujet de son amour.—2. Contre ceux qui divisent le troupeau du Seigneur.—3. Contre les Donatistes qui renferment le troupeau du Seigneur dans l’Afrique.—4. Aveuglement des Donatistes, plus grand encore que celui des Juifs.—5. Éloignement du schisme.

1. Tout ce que l’on vient de vous lire du saint Évangile a été fait et dit après la résurrection du Seigneur. Nous avons dore entendu le Seigneur questionnant l’apôtre saint Pierre, et lui demandant s’il l’aimait (1). C’était ainsi le Seigneur qui s’adressait au serviteur, le Maître au disciple, le Créateur à l’homme, le Rédempteur à l’homme racheté, la force à la crainte, la science à l’ignorance, et, pour lui, se faire interrogateur, c’était se montrer enseignant. Car le Christ était loin d’ignorer rien de ce que Pierre avait dans le cœur. Il interroge une première fois. Pierre lui répond ; mais cela ne suffit point. Il fait une seconde question, qui ne diffère nullement de la première, tandis que Pierre fait aussi la même réponse. Une troisième fois revient la question, et l’amour s’affirme une troisième fois. Jésus questionnait trois fois au sujet de son amour, celui que la crainte avait fait renier trois fois. Car, à la mort du Sauveur, Pierre craignit, et la crainte en fit un renégat. Mais le Seigneur, une fois ressuscité, lui mit au cœur l’amour qui bannit la crainte. Que pourrait dès lors craindre Pierre ? Quand il renia son maître, il ne le renia. que par la crainte de mourir. Mais que peut-il craindre après la résurrection du Seigneur, en qui la mort est morte elle-même ? car celui qui l’interrogeait, qui était vivant sous ses yeux, était celui-là même qu’on avait enseveli après sa mort. Il était là, celui qu’on avait suspendu à la croix. Quand les Juifs faisaient juger le Sauveur, Pierre interrogé, lui aussi ; et ce qui est pire, interrogé par une femme, et ce qui est le comble de la honte, interrogé par une servante, Pierre fut saisi de crainte et renia son Maître. Il trembla à la question d’une [2] servante, il tint ferme à la question de son Maître. Or, comme il confessait son amour, une première, une seconde et une troisième fois, le Seigneur lui confia ses brebis : « M’aimes-tu ? » lui dit Jésus. « Seigneur, vous savez que je vous aime ». Et le Seigneur : « Pais mes agneaux[3] ». Et cela une fois, puis une seconde, puis une troisième fois, comme s’il n’y avait aucun autre moyen pour Pierre de montrer son amour pour le Christ, s’il n’était le pasteur fidèle sous le prince des pasteurs. « M’aimes-tu ? Je vous aime[4] ». Et que feras-tu pour moi, afin de lue montrer ton amour ? Chétif mortel, due peux-tu donner à ton Créateur ? Être racheté en face de ton Rédempteur, tout au plus soldat en face de ton roi, que peut me procurer ton amour ? Que feras-tu, pour moi ? Ce que j’exige uniquement de toi, c’est de « paître mes brebis[5] ».

2. Voyez cependant, mes frères, la part que des serviteurs infidèles se sont faite dans le troupeau du Seigneur, en divisant ce qu’ils n’ont pas acheté. Il s’est rencontré, en effet, des serviteurs infidèles qui ont divisé le bercail du Christ, et qui, par une sorte de larcin, se sont fait des bénéfices de son troupeau, et vous leur entendez dire : Celles-ci sont mes brebis. Que viens-tu faire parmi mes brebis ? Que je ne te trouve point dans mes brebis. Mais si, d’une part, nous disons mes brebis, et que d’autre part ils disent encore leurs brebis, le Christ a donc perdu, les siennes. Figurez-vous le prince des pasteurs, le maître ; du troupeau, qui se tient debout, pour faire le discernement et juger entre ses serviteurs. Toi, que dis-tu ? Voici mes brebis. Et toi, que dis-tu ? Encore : Voici les miennes. Mais où

  1. Au manuscrit, fol. 28, on lit : « Sermon de Saint Augustin, évêque, pour la vigile des Apôtres ».
  2. Jn. XXI
  3. Jn. 21, 16
  4. Id.17
  5. Id