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DIXIÈME SERMON. SUR LE v. 1 DU PSAUME CXLIX. « CHANTEZ AU SEIGNEUR UN NOUVEAU CANTIQUE[1] ».

ANALYSE. —1. Il y a deux cantiques : l’ancien et le nouveau. —2. Quelle est l’église des saints sur la terre. —3. Quelle est la vraie Sion, quelle en est la condition. —4. C’est dans le Christ que nous croyons et que nous espérons la félicité.

1. Voici les jours où l’on chante Alléluia. Apportez, mes frères, toute votre attention à recueillir ce qu’il plaira au Seigneur de me suggérer pour notre édification, et nourrir cette charité par laquelle il nous est bon de nous attacher à Dieu. Apportez votre attention, chantres pieux, enfants de la louange et de la gloire, du Dieu véritable et incorruptible ; car tel est l’Alléluia[2]. Louez Dieu, non-seulement de la voix, mais aussi de l’intelligence, et encore par les bonnes œuvres, et selon l’exhortation de notre psaume, chantons au Seigneur un cantique nouveau[3]. Car c’est ainsi qu’il commence : « Chantez au Seigneur un nouveau cantique ». Au vieil homme, le vieux cantique ; pour l’homme nouveau, un cantique nouveau. Le vieux cantique, c’est l’Ancien Testament, comme le Nouveau Testament est le nouveau cantique. À l’Ancien Testament, les promesses de la terre, au Nouveau Testament, les promesses du ciel. Aimer les choses de la terre, y trouver ses délices, c’est chanter le cantique nouveau ; mais pour chanter le cantique nouveau, il faut aimer les choses éternelles. Il n’y a que l’amour qui soit nouveau, parce qu’il ne vieillit point et qu’il renouvelle l’âme. Aussi, mes frères, vous recommandons-nous d’aimer Dieu, ou plutôt c’est lui-même qui nous le recommande. Car c’est notre avantage que nous l’aimions, et non le sien ; ne pas l’aimer est un malheur pour nous, et non pour lui. Dieu n’en sera pas moins Dieu, quand l’homme n’aurait aucun amour pour lui. De Dieu nous vient l’accroissement, lui ne nous doit pas sa grandeur ; et néanmoins il nous a aimés le premier, au point d’envoyer à la mort son Fils unique pour nous. Ainsi Celui qui nous a faits, s’est fait l’un de nous. Comment nous a-t-il faits ? « Tout a été fait par lui, et rien de ce qui est fait ne l’a été sans lui[4] ». Comment s’est-il fait l’un de nous ? « Et le Verbe s’est fait chair et a habité parmi nous[5] ».

2. Donc, mes frères, si tout d’abord nous étions lents à l’aimer, empressons-nous du moins de lui rendre son amour. Il nous a aimés dans nos souillures, puisqu’il nous a aimés dans nos péchés. « Le Christ, en effet », comme le dit l’Apôtre, « est mort pour les impies[6] ». Or, quand il a donné sa mort pour les impies, que peut-il réserver aux justes, sinon sa vie ? Voyez enfin où et par qui ce nouveau cantique est chanté au Seigneur. Quand, en effet, le Prophète nous dit : « Chantez au Seigneur un cantique nouveau », il ajoute : « Louange à lui dans l’assemblée des saints[7] ». Or, l’Église des saints peut-elle exister sur la terre ? Car le Prophète a dit que la terre est souillée de sang, qu’elle est couverte d’adultères et d’homicides[8]. Comment peut-on comprendre qu’il puisse y avoir sur la terre une assemblée des saints ? L’Apôtre nous l’enseigne quand il nous dit que nous marchons sur la terre, mais que notre conversation est dans le ciel[9]. Ainsi se fait-il que placé sur la terre, les saints forment l’Église du ciel. « Qu’Israël », dit le Prophète, « se réjouisse dans celui qui l’a fait[10] ». Qu’Israël

  1. Dans le manuscrit, fol. 19, on lit cette inscription : « Sermon de saint Augustin, évêque ». Ce sermon est du temps de Pâques, et nous inspire l’amour et le désir des biens futurs.
  2. À partir de cet endroit, jusqu’aux paroles : « Parce qu’il ne vieillit point », saint Augustin semble répéter ce qu’il a dit dans le discours sur le même psaume.
  3. Psa. 149, 1
  4. Jn. 1, 3
  5. Id. 14
  6. Rom. 5, 16
  7. Psa. 149, 1
  8. Eze. 9 ; Ose. 4, 2
  9. Phi. 3, 20
  10. Psa. 149, 2