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et les bourreaux ont disparu ; toutes les puissances combattent aujourd’hui pour Dieu, les occasions du martyre n’existent plus pour les chrétiens, et cependant ils ne laissent pas d’avoir encore à souffrir. « Mon fils », est-il dit, « en vous engageant au service de Dieu, tenez-vous dans la justice et la crainte, et préparez votre âme à la tentation[1] ». L’Apôtre dit également : « Tous ceux qui veulent vivre pieusement en Jésus-Christ, souffrent persécution pour la justice[2] ». Vous donc qui pensez que toute persécution a cessé et qu’aucun ennemi n’est là pour nous faire la guerre, sondez les derniers secrets de votre cœur scrutez attentivement tous les replis de votre âme ; voyez si aucune adversité ne vous tourmente, si aucun ennemi n’aspire à dominer dans la citadelle de votre âme ; ne faites aucune paix avec l’avarice, et méprisez l’accroissement des gains iniques. Refusez toute alliance avec l’orgueil, et craignez plus d’être reçu avec honneur, que d’être foulé dans l’humilité. Rompez avec la colère, et que le désir de la vengeance n’aiguise jamais en vous l’aiguillon de l’envie ; renoncez à la volupté, détournez-vous de l’impureté, repoussez la luxure, fuyez l’iniquité, abstenez-vous du mensonge ; et quand vous reconnaîtrez que vous avez beaucoup de combats à soutenir, imitez les martyrs et multipliez vos victoires. Autant de fois nous mourons au péché, autant de fois les péchés meurent en nous : « Et la mort des saints est précieuse aux yeux du Seigneur[3] » ; car l’homme y meurt au monde, non point par la destruction de ses sens, mais par l’extinction de ses vices.
3. Si donc, mes frères, « vous ne portez pas le joug avec les infidèles[4] » ; si vous cessez d’être pécheurs, si vous ne cédez à aucune tentation des cupidités charnelles, c’est en tonte justice que vous célébrez ce jour solennel ; on ne peut qu’applaudir aux honneurs que vous rendez non-seulement aux martyrs et à leur mère, mais aussi à cet homme généreux[5] qui, à la fête des martyrs, a joint la solennité de la dédicace de cette église. Louons sa magnificence dans la construction de ses murs, mais surtout dans l’édification des âmes ; à ce double titre ses œuvres passeront avec gloire à la postérité ; nos descendants goûteront les fruits de ses belles institutions, soit en fréquentant le temple qu’il a bâti, soit en mettant en pratique les enseignements qu’il nous a laissés.
4. Ainsi donc que le spectacle toujours étalé sous vos yeux, et les souvenirs toujours présents à votre esprit se réunissent pour assurer votre avancement dans la vertu ; usez de cette église élevée par vos ancêtres, de manière à vous rappeler sans cesse que le temple de Dieu est fondé en vous-mêmes. Que dans cette construction il ne se mêle rien de mauvais, rien de faible ; construisez avec des pierres vivantes et choisies, afin que, par leur union indissoluble, l’unité du corps de Jésus-Christ croisse et se manifeste ; qu’il en soit ainsi avec le secours de Dieu et de la pierre angulaire Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui vit et règne, avec le Père et le Saint-Esprit, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

  1. Eccl. 2, 1
  2. 2 Tim. 3, 12
  3. Ps. 115, 15
  4. 2 Cor. 6, 14
  5. Probablement le fondateur de l’église.