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de la véritable grandeur. La voix de ces Apôtres se fait entendre jusqu’aux confins de la terre. Partout s’élève en leur faveur un concert de louanges ; partout la voix des fidèles redit la magnificence de leur triomphe.

2. Comment appeler morts des hommes dont la foi est un principe de vie et de résurrection pour le monde entier ? Pour arriver au glorieux séjour de l’éternelle lumière, que personne n’hésite à se confier en toute assurance à la direction de ces illustres docteurs ; à leur suite la conquête du ciel n’est plus impossible. Paul est là pour seconder nos efforts, et Pierre pour ouvrir les portes de l’éternel séjour. Du reste, il ne peut que nous être utile de rappeler le glorieux martyre de ces Apôtres. Paul fut décapité, Pierre fut crucifié la tête en bas. Ce genre de mort est plein de mystère. Il convenait que Paul eût la tête tranchée, parce qu’il est pour les Gentils le chef ou la tête de la foi. Pierre avait reconnu que Jésus-Christ est la tête de l’homme, et comme Jésus-Christ était alors assis dans sa gloire, Pierre lui présenta d’abord sa tête, que les pieds devaient suivre, afin que dans ce nouveau genre de martyre, pendant que les pieds et les mains étaient enchaînés, la tête pût prier et prendre le chemin du ciel. Je ne suis pas digne, disait Pierre, d’être crucifié comme mon Seigneur. Par ce langage il ne refusait pas le martyre, mais il craignait de s’approprier le genre de mort du Sauveur, et ne se trouvait digne que de honte et de châtiment. Bienheureux Pierre, quand nous vous voyons suspendu à la croix, combien vous l’emportez à nos yeux sur le Magicien aspirant à prendre son vol dans les airs ! Il ne s’élève que pour tomber plus profondément, tandis que vous n’inclinez votre tête vers la terre que pour posséder le ciel après votre mort, par la grâce de Jésus-Christ qui vit et règne dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

CINQUANTE-NEUVIÈME SERMON. DE LA PÊCHE DE SAINT PIERRE.

ANALYSE. — 1. La barque de Pierre est la figure de l’Église de Jésus-Christ. — 2. Pierre pêcheur d’hommes.

1. La circonstance présente nous invite à méditer le chapitre de l’Évangile dont on vient de nous donner lecture, et où nous entendons le Sauveur porté sur la barque de Pierre dire à ce dernier. « Gardez-vous de craindre, car à partir de ce moment vous serez pêcheur d’hommes[1] ». Cette seule parole nous dévoile tout le mystère de ce passage de l’Évangile. Au moment même où les disciples contemplaient avec étonnement leurs barques remplies de poissons, quel motif avait le Sauveur de refuser à Pierre l’objet de sa demande et de lui faire une réponse à laquelle cet Apôtre ne pouvait rien comprendre ? Quand on est monté sur une barque, la plus ordinaire préoccupation n’est-elle pas de se maintenir en équilibre, au lieu de songer à convertir les hommes ? Comprenez donc déjà que cette barque confiée à la direction de Pierre, ce n’est pas une barque ordinaire, mais bien l’Église même de Jésus-Christ. L’Église, tel est ce vaisseau qui, s’élevant au-dessus des flots de l’Océan agité de ce monde, a pour mission, non pas de détruire ce qui surnage, mais de le vivifier. Le pêcheur, monté sur son léger esquif, sauve et conserve les petits poissons arrachés à l’abyme ; de même le vaisseau de l’Église abrite tous ceux qui veulent se soustraire à la corruption du

  1. Luc. 5, 10