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frappe le ciel et heurte les enfers ; dans ce prodige, reconnaissez, mes frères, avec quelle docilité les vagues obéissent à Dieu, voyez comme tous les éléments se concertent pour poursuivre ce Prophète fugitif.
2. Au milieu de ce tumulte, Jonas seul était insensible, car il restait plongé dans un profond sommeil ; il fallut la jalousie de ses compagnons pour l’arracher à cet incroyable repos. Quoi donc, vous dormez, lui disent-ils ! Quel homme êtes-vous donc pour rester insensible à l’affreux danger que courent des hommes ? C’est alors qu’ils consultent le sort pour connaître la cause du malheur qui les menaçait. Jonas, désigné par le sort, ordonne qu’on le précipite dans la mer, assurant que sa mort conserverait la vie à ses compagnons et procurerait la délivrance du vaisseau. Tous s’empressent d’obéir aux ordres de Jonas et trouvent dans ce crime le gage de leur propre salut. Dans un tel péril, singulier moyen de retrouver la vie ! Le souvenir des bienfaits a coutume de nous exciter à la miséricorde, et voici qu’un crime des plus cruels a délivré ses auteurs du danger de la mort. Jonas fut jeté à la mer et la tempête s’apaisa subitement. Mais, dans toutes les adversités, quelles surprises vous ménagent les événements ! Qui ne croirait Jonas englouti sous les flots ? Qui ne supposerait que son corps inanimé erre maintenant au gré des flots, sur le point d’être brisé contre les rochers et les écueils ? Jeté à la mer, il ne fut même pas en contact avec l’eau, car un monstre marin le reçut comme nourriture dans ses vastes entrailles et semblait lui réserver une mort encore plus prompte. Ce monstre saisit sa proie avec une avidité famélique, et pourtant ne toucha ni de la bouche ni des dents celui qu’il se disposait à dévorer. Jonas n’éprouva aucune blessure et glissa doucement dans les larges ouvertures que lui offrait le vaste flanc de ce monstre marin. Devant une telle proie, les entrailles du poisson frémissent, mais la chaleur naturelle est impuissante à le dissoudre et à en faire un aliment ordinaire. Jonas, au lieu d’être la nourriture de ce poisson, en fut plutôt l’hôte respecté, et pendant trois jours, il demeura sain et sauf dans son sein et mérita, par ses ardentes prières, que Dieu lui fît miséricorde.
3. Représentons-nous cet animal promenant dans les abîmes de la mer et le long du rivage, cette proie qu’il avait reçue et qu’il devait rendre. Mais, pendant que Jonas flottait ainsi sans danger au milieu des flots, tout à coup, guidé par la divine Providence, le poisson s’approche du rivage et y dépose, sans aucune blessure, le fardeau qu’il portait depuis trois jours. C’est ainsi que Jonas trouva dans son châtiment une source de bonheur qui lui permit d’aller porter à d’autres les principes du salut.
4. Telle est, mes frères, l’histoire du prophète Jonas ; essayons maintenant, avec l’aide de Dieu, de montrer de qui Jonas était alors la figure. En effet, parmi les événements écoulés de l’histoire, il en est qui doivent être étudiés non-seulement dans leur réalité, pour ainsi dire matérielle, mais encore dans le caractère figuratif qu’ils ont avec d’autres faits de la vie du Sauveur, selon cette parole de l’Apôtre : « Et toutes choses leur arrivaient en figure[1] ». Ninive, cette grande cité à laquelle Jonas allait porter des menaces de destruction, était la figure du monde Honteusement livré à l’idolâtrie et à toutes sortes de crimes ; quant à Jonas lui-même, il désignait clairement la personne même de Noire-Seigneur Jésus-Christ. Le navire sur lequel Jonas dormait pendant la tempête figurait la synagogue des Juifs. La mer, soulevée par des vents furieux, était l’image du peuple juif qui s’est livré si souvent à la révolte et à des entreprises insensées. Le monstre marin qui reçut Jonas, était la figure de l’enfer. Or, tous ces caractères figuratifs que nous trouvons dans Jonas, se sont parfaitement réalisés en Jésus-Christ. Comme Jonas dort sur le vaisseau, Jésus-Christ garde le plus profond silence au milieu de ses persécuteurs. À tous deux pouvaient donc s’adresser ces paroles : « Levez-vous, pourquoi dormez-vous, Seigneur, et ne nous repoussez pas jusqu’à la fin[2] ». Nous disons du Seigneur qu’il dort lorsqu’il semble garder le silence sur les iniquités des hommes, et attendre le repentir des coupables ; qu’il se lève, et tous ses ennemis disparaissent confondus. Le sort fut jeté pour connaître celui qui était la cause de cette tempête ; le sort tomba sur Jonas, ils le précipitèrent dans les flots, et la tempête fut apaisée ; tout cela figure Jésus-Christ dont la mort arracha le monde à toutes les tempêtes du démon ; Jésus-Christ, désigné de toute

  1. 1 Cor. 10, 11
  2. Ps. 43, 23