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TRENTIÈME SERMON.

SUR LA FÊTE DE PÂQUES.

(DIXIÈME SERMON.)



ANALYSE. — 1. Signification de la Pâque. — 2. Jésus-Christ mort pour le péché, afin de satisfaire à la justice. — 3. Nous devons imiter la Pâque, c’est-à-dire le passage de Jésus-Christ au ciel ; on doit donner des fils à Celui qui nous a donné son Fils.

1. Mes frères, quelques-uns font venir le mot pâque du grec et lui donnent le sens de souffrance ; c’est une erreur. Pâque veut dire passage, car l’Écriture ne lui donne pas d’autre signification, et c’est aussi le sens que ce mot a conservé en passant dans la langue latine. Or, ce mot pâque, ou passage, rappelle que le Seigneur est passé par l’Égypte quand, dans une seule nuit, il frappa tous les premiers-nés des Égyptiens ; c’était l’accomplissement de cette parole : « Et je passerai par la terre d’Égypte, et je frapperai tout premier-né dans la terre d’Égypte[1] ». Notre pâque, ou passage à nous, nous rappelle le passage du Sauveur de la mort à la vie, et son passage des enfers au ciel par sa résurrection. Quel grand, quel admirable passage, car notre Sauveur y détruit la mort à laquelle il s’était volontairement soumis, et ce triomphe, il l’avait prédit lui-même : « J’ai le pouvoir de quitter la vie, et j’ai aussi le pouvoir de la reprendre[2] ». Adorons ce profond décret de la providence et de la miséricorde de Dieu qui, en soumettant le corps de Jésus-Christ à une mort qu’il ne méritait pas, a voulu nous soustraire à la mort, trop juste salaire de nos péchés.

2. Il arrive souvent aux infidèles de nous poser cette question : Quelle nécessité y avait-il que le Seigneur mourût pour l’homme ? Notre salut ne pouvait-il pas s’opérer sur une simple parole ou un commandement de sa part ? Cette question, mes frères, est assurément très-grave à leurs yeux ; mais, avec la grâce de Dieu, nous espérons la résoudre en peu de mots. Au commencement, l’homme avait péché en transgressant le précepte de Dieu ; après son crime, il avait été condamné à la mort en vertu de la loi du péché, et c’était justice ; car, en consentant librement à la tentation, il s’était volontairement rendu l’esclave de son ennemi. C’est ainsi que l’homme, depuis sa prévarication, était tombé sous l’empire du démon ; la nécessité de mourir suffisait à elle seule pour lui rappeler sa complète servitude. « Car, comme il est écrit, la mort régnait depuis Adam[3] ». Or, notre Dieu qui, s’il est tout-puissant, est aussi la souveraine vérité et qui, en nous arrachant par pure miséricorde à l’empire du démon, a voulu s’astreindre à toutes les exigences de la justice, notre Dieu, disons-nous, a écouté non-seulement sa toute-puissance, mais encore la vérité ; il a rejeté la violence et n’a rien voulu extorquer par la force. Il avait recouvré son empire sur l’homme, et le possédait ; mais il s’abaissa jusqu’à payer une rançon pour le captif. Quelque chose, mes frères, semblait s’opposer à ce que Dieu ravit au démon, sans compensation aucune, la victime qui s’était mise volontairement sous le joug. Dieu ne pouvait-il pas délivrer l’homme par le seul effet d’un commandement de sa part ? Une telle délivrance eût été dans les limites de sa toute-puissance, mais non pas dans celles de sa justice. Or, ce Dieu juste ne considère pas ce que lui permet sa toute-puissance, mais ce que prescrit l’équité. Il fallait arracher l’homme au joug du démon, mais en sauvant toutes les règles de la justice. Afin donc de donner toute satisfaction à la justice, Dieu a sauvé l’homme, non pas en commandant,

  1. Exo. 12, 12
  2. Jn. 10, 18
  3. Rom. 5, 14